Un billet en 2 parties, pour enfin comprendre ce qui se cache derrière le terme mystérieux de « knowledge management », par Julien Sempéré (@jusempere), chef de projet Learning Centre de l’Université Paris-Saclay, et accessoirement secrétaire du comité permanent sur le KM de l’IFLA. Merci Julien d’avoir honoré cette commande !
Ecrire un billet dans un blog populaire pour expliciter une méthode, voilà une vraie démarche de Knowledge Management (KM), ou gestion des connaissances (GC). En effet, pour qu’un groupe, un service ou une institution développe ses connaissances, encore faut-il persuader du bien-fondé de la démarche. Ce billet ne prétend pas présenter le KM des origines à nos jours, mais expliquer pourquoi cette approche est à encourager dans le contexte actuel de forte transformation de l’enseignement supérieur et de la recherche. Réel remède à tous nos maux de « gestion du changement » et de « mutualisation », ou simple placebo, avoir un esprit façonné au KM ne peut, dans tous les cas, pas faire de mal.
Le KM : pourquoi les bibliothécaires ?
Théorisé et mis en pratique dans l’industrie en particulier au Japon (Nonaka et Takeuchi), la GC consiste à développer une culture au sein de toute organisation pour gérer la connaissance qu’elle détient, sa transmission et sa transformation. Le KM part du constat que toute organisation possède un capital de connaissances en particulier non écrites ou tacites. Chaque personne au sein de l’organisation détient une part de ce capital et, si rien n’est fait pour capter ce capital, c’est un risque pour l’organisation de perte de culture et de savoir-faire entraînant un risque économique. A titre d’exemple, comment capter la connaissance d’un créateur de mode au sein d’une maison de haute-couture ? Si son départ est une perte irréparable, cependant, ses dessins, ses créations et ses disciples sont autant de manières de transmettre sa connaissance.
Au début des années 2000, cette gestion des connaissances s’est traduite par le développement de services ou postes de knowledge manager au sein des entreprises et a été récemment intégrée à une norme ISO 9001-2015. Théorisée de manières différentes, y compris en français (Prax), elle insiste sur des dynamiques identiques importantes :
- Comment l’individu transfère sa connaissance personnelle à d’autres personnes qui travaillent à son contact ?
- Comment un groupe transmet à son tour sa connaissance à d’autres groupes au sein de l’organisation ou en dehors de celle-ci ?
- Comme l’individu acquiert de nouvelles connaissances d’autres groupes ou individus afin d’être en capacité d’innover ?
Dans le même temps, les bibliothèques se sont intéressées au KM. En effet, les bibliothèques de banques centrales en ont utilisé les méthodes au titre de la transparency, la capacité à gérer la validité et la confidentialité d’une information qui doit être consolidée, validée et diffusée de manière très ciblée au sein d’une institution. Plus généralement, les bibliothèques y ont pris part du fait de leur capacité à indexer, classer et mettre à disposition de la connaissance. C’est ainsi qu’au début des années 2000, un special interest group en KM s’est développé au sein de l’IFLA donnant naissance à une section Konwledge Management en 2011. Ce groupe était dès l’origine constitué de collègues issus de cabinets de conseil, de bibliothèques universitaires, d’institutions centrales (parlements, banques centrales, agence pour l’environnement) du fait des origines mêmes de la discipline. Cette diversité a ouvert ses travaux sur des champs assez divers : compréhension des attentes des publics, transformation de la connaissance, accompagnement du changement, validité de la connaissance, etc.
Ainsi, les travaux se sont intéressés à la transmission de la connaissance en interne, au sein de la bibliothèque ou le rôle qu’elle peut tenir au sein de son institution pour instaurer une culture du KM. Ils se sont également penchés sur la capacité des bibliothèques à échanger de la connaissance vers et depuis les publics. La littérature sur le sujet est essentiellement disponible en langue anglaise bien que le fait de professionnels issus de toutes les aires géographiques. L’ensemble des cas d’usages peut se retrouver librement sur la bibliothèque de l’IFLA : http://library.ifla.org.
Jean-Yves Prax. Le guide du Knowledge Management. Concepts et pratiques du management de la connaissance. Paris, Dunod, 2002.
Ikujiro Nonaka, Hirotaka Takeuch. La connaissance créatrice : la dynamique de l’entreprise apprenante. Bruxelles, De Boeck, 1997.
Très bonne synthèse ! Remarque : l,ouvrage récent de Gonzague Chastenet de Géry (INTD) aurait mérité d’etre cité : Le Knowledge Management.