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De l’importance des workflows pour les accords OA

6014917153_7ba8d142c7_o_dLes bibliothécaires de l’Université de Vienne, en Autriche, ont publié une analyse fort intéressante des différents contrats qu’ils ont négociés avec les éditeurs contenant une dimension « open access » ; plus précisément, ils se sont attachés à décrire les différents workflows à l’oeuvre pour couvrir le cycle complet de la diffusion en OA, de la soumission de l’auteur aux modalités de paiement et/ou de suivi de la dépense d’APC. Voici ce que l’on peut en retenir :
L’université de Vienne est une grosse université (90 000 étudiants), qui a passé des accords comportant un volet OA pour 14 ressources. On distingue 4 types d’accords :

  • Les « Read and publish » : ils fonctionnent sur le même principe que les big deals pour les ressources sur abonnement, avec un forfait négocié pour couvrir les APC des articles publiés par les auteurs de l’établissement.
  • Les accords de compensation (« offsetting agreements ») : soit la dépense d’APC est déduite de la dépense d’abonnement, soit la dépense d’abonnement ouvre droit à une importante remise sur les coûts des APC.
  • Les accords avec des éditeurs OA Gold payant : l’adhésion institutionnelle donne droit à une remise sur les APC, ou permet de mettre en place un système de pré-paiement.
  • Les autres accords : l’institution soutient financièrement une initiative, sur le modèle de SCOAP3 ou OLH.

Ce qui saute immédiatement aux yeux, c’est la diversités des modes de fonctionnement de chaque accord : certains éditeurs ont une interface claire et des consignes compréhensibles pour les auteurs, d’autres perdent ces derniers avec des désignations inhabituelles de leur institution de rattachement. La mention du fait que les APC sont pris en charge par l’institution est plus ou moins visible selon les plateformes. Certains éditeurs envoient une seule facture, d’autres de multiples factures, et acceptent ou pas de les envoyer à l’institution et pas directement au chercheur. Des accords portent sur tous les types de documents ou de revues, d’autres ne concernent que les articles de recherche ou les revues hybrides.

Même pour un bibliothécaire c’est compliqué !

Dans ces conditions, la principale difficulté est de communiquer toutes ces subtilités aux enseignants-chercheurs : malgré les différentes activités de sensibilisation et de promotion, informer tous les chercheurs de l’établissement sur les différentes possibilités qui s’offrent à eux relève de la mission impossible ; et pourtant le site web d’information sur l’open access monté par la BU est plutôt bien fait.

L’identification correcte des enseignants-chercheurs, permettant de vérifier leur éligibilité aux bénéfices de l’accord est également une étape cruciale : les bibliothécaires constatent que lorsque les éditeurs mettent des moyens humains pour faciliter cette identification, le système est bien plus efficace, et le taux d’articles diffusés en OA grimpe, alors qu’il stagne, voire décline, quand ce n’est pas le cas. Malheureusement un seul des éditeurs avec lesquels traitent les collègues viennois a mis suffisamment de moyens…

A celà s’ajoutent la mauvaise qualité des métadonnées et les modes de facturation variés, qui complexifient le travail de suivi et la traçabilité des dépenses, malgré les mandats des financeurs de la recherche.

Pour les bibliothécaires, la question des workflows doit être intégrée très tôt dans la négociation avec les éditeurs :

Nous avons appris à nos dépens que, pour qu’un accord aboutisse, les workflows doivent occuper une place centrale et que des discussions doivent être engagées dès les premières étapes des négociations. Il s’est avéré essentiel d’établir une communication directe non seulement avec l’équipe commerciale de l’éditeur, mais aussi avec le personnel responsable des workflows d’OA. Idéalement, une démonstration en direct devrait être organisée, au cours de laquelle le personnel compétent de l’université, comme les chercheurs et le personnel du service en charge de l’open access, peut tester sur le terrain chacune des étapes que les auteurs correspondants devront franchir au fur et à mesure du processus de publication. A défaut, l’éditeur pourrait fournir des captures d’écran détaillées du processus. Quoi qu’il en soit, ce serait l’occasion d’attirer l’attention sur les problèmes potentiels et d’envisager des solutions pour y remédier.

Ils concluent qu’il y a une vraie refonte des modes de fonctionnement à imaginer, et que ce sont essentiellement les pratiques des éditeurs qui doivent évoluer :

Les accords de publication en open access ont le pouvoir de faire augmenter considérablement la proportion de publications en OA produites par les institutions,  et de contribuer ainsi à la transition vers l’OA. Toutefois, le succès de ce type de projet dépend en grande partie de la conception et de la mise en œuvre judicieuses des workflows. Bien que tous les acteurs concernés aient un rôle important à jouer dans ce contexte, la responsabilité principale incombe aux éditeurs, qui doivent repenser les flux de travail existants et intégrer la publication en open access dans leurs systèmes. Essayer de construire un workflow de la publication en OA juste en adaptant les méthodes actuelles de gestion des abonnements ne donnera pas de résultats satisfaisants.

Source : Pinhasi, R., Blechl, G., Kromp, B., & Schubert, B. (2018). The weakest link – workflows in open access agreements: the experience of the Vienna University Library and recommendations for future negotiations. Insights, 31, 27. DOI: http://doi.org/10.1629/uksg.419
[Photo : atoach]

Conclusions du 3ème workshop ESAC

461240381_4a57e4f032_oESAC (Efficiency and Standards for Article Charges) est une initiative qui a pour objectif de suivre les évolutions des frais de publication des articles dans les revues scientifiques, de recenser les bonnes pratiques et faire des recommandations sur la gestion des APC et les workflows associés.
Fin juin s’est tenu le 3ème Workshop du projet, le rapport qui en est issu est en ligne, je vous en résume/traduis les grandes lignes :
A propos de l’évaluation de la valeur et les facteurs déterminant le coût :

  • Il faut différentier dans les analyses les différents modèles d’APC, le fait qu’on parle de gold ou d’hybride ou d’accords de compensation (« offsetting agreements ») change la perspective.
  • Le coût des APC hybrides est nettement plus élevé que celui des APC des revues gold, c’est un fait désormais établi.
  • Le coût des APC dans le cadre d’un accord de compensation est du niveau de celui des APC hybrides, mais il est à envisager dans le contexte global de l’accord, ie en prenant en compte les économies éventuelles réalisées sur le double dipping.
  • Les indicateurs tels que le SNIP ou le facteur d’impact ne sont pas les seuls critères pour définir le coût des APC : la discipline, l’éditeur ou le modèle économique jouent également un rôle.
  • Les APC des revues gold reflètent de manière plus cohérente les coûts de production et de services dans leurs prix, alors que les APC hybrides traduisent plutôt le niveau de revenu actuel et les marges bénéficiaires de l’activité d’abonnement des éditeurs. Il ne s’agit donc plus d’un argument valable en faveur d’une hausse des prix des APC.
  • Les niveaux de prix médians sont les principaux moteurs de l’évolution globale des coûts. Sont donc à surveiller les prix des revues très fréquentées et les portefeuilles de revues qui englobent la plus grande partie de la production scientifique.

A propos du suivi des coûts :
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  • Nécessité de l’indépendance de la collecte et de l’analyse des données sur les APC. La transparence obtenue grâce à des initiatives telles que OpenAPC permet à la communauté de discuter des coûts des APC sur la base de données probantes.
  • Nécessité pour les différents acteurs institutionnels ou individuels actifs sur le sujet de se coordonner pour maximiser l’impact de leurs efforts.
  • Les institutions et les consortiums de bibliothèques doivent maintenant mettre en place des actions concrètes, utilisant ces nouvelles données comme un atout, pour faire passer les négociations avec les éditeurs à un autre niveau, et arriver à un système de publication équitable, durable et en accès complètement ouvert.

A propos du risque d’augmentation des coûts globaux de l’édition scientifique à cause de l’OA hybride :

  • La stratégie d’intégration de l’open access et des coûts relatifs dans le contrat de licence d’abonnement des institutions permet d’exercer un suivi des coûts pour contenir les dépenses en double et de travailler à convertir officiellement les dépenses d’abonnement en soutien à la publication en accès ouvert. Les accords de compensation doivent être négociés comme des mesures transitoires, avec l’objectif clair d’arriver rapidement à la conversion vers l’accès ouvert complet.

A propos du risque de voir les éditeurs traditionnels dominer le marché de l’édition scientifique et imposer leurs coûts d’APC sur la base de leurs marques éditoriales :

  • Le modèle économique basé sur les APC pour la publication en accès ouvert est une nette amélioration par rapport au marché actuel des abonnements, en ce sens que les coûts des APC sont transparents et, par conséquent, soumis à un niveau de contrôle qui fait totalement défaut sur le marché opaque des abonnements. Néanmoins, afin de soutenir l’évolution d’un marché plus efficace et plus diversifié, les institutions devraient éviter deux écueils du modèle des abonnements :4418249517_a83f1e5f4d_o.jpg
    • L’augmentation des prix obligatoire : quand on compare les coûts par article du système actuel d’abonnements (entre 3800 et 5000 euros)[1] avec les coûts moyens d’APC (autour de 2000 euros), on voit bien qu’il y a déjà assez d’argent dans le système pour soutenir une transition vers un accès ouvert ; les augmentations ne sont pas justifiées.
    • L’usage des indicateurs : évaluer le coût des APC en fonction d’indicateurs comme le SNIP et JIF n’est pas pertinent, car ceux-ci sont limités en termes de transparence et d’applicabilité au niveau de l’article, et ne servent qu’à renforcer le pouvoir des revues et des marques d’éditeur. Et puis ce sont les APC médians qui ont la plus grande influence sur l’évolution globale des coûts du marché, dont pas vraiment ceux des revues à fort facteur d’impact.
  • Par ailleurs, n’oublions pas la bibliodiversité : les modèles de publication coopératifs et sans APC ont besoin d’être soutenus. Un transfert des budgets et des économies réalisées vers de nouveaux modèles permet de stimuler la concurrence et l’innovation sur le marché de l’édition scientifique.

Pour finir, à propos du risque d’augmentation des coûts pour les établissements de recherche intensive :

  • Chaque institution est susceptible d’être confrontée à ce problème pour certains éditeurs dont les coûts de publication dépasseront les anciens coûts d’abonnement. Toutefois, comme on l’a vu plus haut, il y a suffisamment d’argent dans le système : il faut trouver un moyen de réaffecter les coûts. Des solutions sont à travailler au niveau des  consortiums, par exemple en introduisant des mécanismes de compensation internes et des fonds de solidarité, le cas échéant.

[1] Disrupting the subscription journals’ business model for the necessary large-scale transformation to open access : le rapport de la Max-Planck-Gesellschaft sur les coûts de la transition vers l’open access.

[Photos : Daniel hoherd, Laura Thorne, Kirstie Warner]

De la difficulté d’inclure l’OA dans les big deals

8118876600_aa8f636a48_zDans The open access big deals : back to the future, Richard Poynder évoque les problèmes posés selon lui par les négociations de ce qu’il appelle les « open access big deals », c’est à dire les accords incluant l’accès aux contenus sous abonnement et la publication en OA avec APC. Il rappelle d’abord les modèles en présence, en soulignant que les objectifs ne sont pas forcément clairs dans toutes les négociations :

  • on a du « Read and publish » : les institutions payent des abonnements pour lire les contenus, et les frais de publications sont inclus dans l’accord ; la tarification est calculée en fonction du nombre d’articles publiés annuellement  par les enseignants-chercheurs des institutions, qui viennent en déduction du coût des abonnements (c’est ce que l’on appelle aussi les accords de compensation, « offsetting agreements »)
  • et aussi du « Publish and read » : les institutions ne payent que les frais de publication correspondant au nombre d’articles que publient annuellement leurs enseignants-chercheurs, ce n’est plus l’accès aux contenus qui est valorisé dans l’accord. C’est le modèle suivi par les allemands avec DEAL.

Les problèmes posés par ces accords sont, pour Poynder, au nombre de 4 :

1. La transparence est une des composantes essentielles de la transition vers l’open access. Transparence sur les clauses des négociations, et transparence sur les coûts, elle est censée garantir une vitalité du marché des APC, la concurrence permettant de faire évoluer les prix à la baisse. Or actuellement, il semblerait que les négociations des big deals incluant les APC ne soient pas plus transparentes que celles des accords traditionnels (il donne les exemples des négociations en cours en Allemagne, en Suisse et en Finlande), sans qu’il soit réellement possible d’en savoir la raison, entre des clauses de confidentialité imposées par les éditeurs, ou une prudence excessive de la part des négociateurs.

2. Il y a ensuite le fait que ces accords mixant abonnements et APC favorisent les « gros » éditeurs traditionnels, et handicapent les pure players de l’open access, qui n’ont pas le composant « abonnements » d’une part et peinent à trouver des modèles économiques de rupture d’autre part.

3. Par ailleurs ces accords avalisent le modèle auteur-payeur comme principal modèle économique pour la diffusion en open access, en cautionnant notamment l’open access hybride, et ne résolvent en rien la question de l’accessibilité financière aux contenus.

4. Enfin ce type d’accord, en maintenant en partie le système d’édition scientifique traditionnel, ne facilite pas la transition vers un modèle de diffusion large de la recherche scientifique appelé de leurs voeux par les organismes de financement publics.

Ce que Poynder n’évoque pas, c’est que, sans accord, les nouveaux flux financiers qui vont aux éditeurs avec les APC restent sous le radar : non mesurés (quelle dépense pour combien d’articles ?), non contrôlés (quelle évolution de la dépense ?), non vérifiés (obtient-on réellement ce pour quoi on a payé ? les articles en question sont-ils bien accessibles ?), ce qui n’est pas, me semble-t-il, une garantie d’un bon usage des fonds publics.

[Photo : Tore Bustad]

Zen, soyons zen

Qu’on le veuille ou non, c’est Elsevier qui dicte désormais les tendances dans l’édition scientifique : l’éditeur a ainsi récemment changé sa politique « de partage » des articles scientifiques (exit le dépôt des post-print sur les archives ouvertes, ajout d’embargos là où il n’y en avait pas), et les autres suivent. Ces jours-ci c’est Emerald qui ajoute 24 mois d’embargo pour le green – alors que personne ne lui a rien demandé-, dès lors qu’une politique institutionnelle de dépôt dans une AO est en vigueur dans un établissement (c’était la politique qui prévalait jusqu’à récemment chez Elsevier d’ailleurs). Ca peut paraître anodin en France, où peu d’établissements ont encore mis un mandat en place, cela l’est beaucoup moins au Royaume-Uni où le financement de la recherche est soumis à la diffusion en OA des articles produits par les chercheurs. Donc soit ils déposent dans l’archive ouverte de leur établissement, mais leurs articles ne seront accessibles que dans 2 ans, soient ils payent des APC. Et, comme par hasard, il se trouve qu’Emerald vient d’augmenter le coût des APC de 70% pour ses revues en sciences de l’ingénieur… Interrogée par Richard Poynder à ce sujet, dans le long billet qui est la source de celui-ci, la porte-parole de l’éditeur indique que “cette decision, basée sur l’analyse du marché et de la concurrence, mettra la tarification des APC d’Emerald au niveau des prix du marché, dans une position médiane vis à vis de ses concurrents. » C’est dit, c’est clair : ce n’est pas le coût de production de l’article qui détermine son APC, mais bien sa valeur marchande.

Pour maintenir leur activité (et valoriser leur entreprise en cas de rachat, on ne sait jamais, une consolidation du marché est si vite arrivée), il semblerait que les « petits » éditeurs s’alignent sur les « gros », ce qui a pour effet une augmentation globale des coûts. Les arguments sur la qualité des contenus sont ignorés : pourtant, le fait de lever les embargos et d’autoriser le dépôt représente plutôt un avantage pour attirer les auteurs, et se démarquer des éditeurs traditionnels, mais visiblement l’attrait du profit l’emporte sur l’offre de contenus… Quoique : Emerald a annoncé une opération « zéro embargo » sur sa vingtaine de titres en sciences de l’information et des bibliothèques – par souci réel d’améliorer son offre de service, ou opération « d’open washing » orchestrée par le service marketing pour redorer son blason auprès des bibliothécaires qui sont encore, pour l’instant, les principaux acheteurs de documentation ?

La bonne nouvelle dans tout ça, c’est que les résultats de l’étude commandée par le Ministère de l’Enseignement Supérieur en 2013 sur les embargos pour les revues en SHS viennent d’être publiés, et ses conclusions sont très claires :
« Nos résultats objectivent donc la mise en place d’une durée de barrière mobile relativement courte (moins d’un an) en comparaison aux durées évoquées dans le débat public pour les SHS (2 à 3 ans). » 

Sources :
Emerald Group Publishing tests ZEN, increases prices: what does it mean ? par Richard Poynder sur son blog Open and shut?.
– ZEN = zero embargo now selon Glynn Moody
– Le rapport de l’IPP : Les revues de sciences humaines et sociales en France: libre accès et audience – La note : Quel délai pour le libre accès des revues de sciences humaines et sociales en France ?

[Photo : instigator21]

Transition vers l’OA : les Pays-Bas s’organisent

6307249018_06277f720c_mEn novembre dernier, les universités des Pays-Bas annonçaient le blocage de leur négociation nationale avec Elsevier parce qu’elles n’arrivaient pas à trouver un accord permettant une transition vers l’open access. L’idée est somme toute assez simple : d’un côté on a les établissements qui payent des sommes considérables pour leurs abonnements, plus des APC, plus le coût de gestion des APC (compter 3 à 4h par transaction, tout de même), et de l’autre les éditeurs qui se targuent de ne pas faire payer 2 fois les institutions (le fameux « double dipping »).

Pour que ce soit vraiment le cas, il faut mettre en place un système de compensation (« offsetting ») pour que les dépenses des universités restent « acceptables » (avec 25 mille guillemets) : c’est ce que négocient le JISC au Royaume-Uni et le VSNU aux Pays-Bas ; cela peut consister à prendre en compte les dépenses en APC pour réduire la facture d’abonnement, ou bien à « offrir » un nombre d’APC correspondant au montant de l’abonnement (c’est ce que fait la RSC). Le VSNU a ainsi conclu des accords avec Springer, avec Sage, et c’est en cours avec Wiley. C’est donc que c’est possible, non ?

Et bien apparemment toujours pas avec Elsevier, puisque, la négociation étant toujours dans une impasse, le VSNU vient d’annoncer la première phase de boycott de l’éditeur en demandant aux chercheurs ayant des responsabilités éditoriales chez Elsevier de démissionner de leur charge. Dans un deuxième temps, ce sont les reviewers qui seront sollicités, puis c’est à la totalité des chercheurs qu’il sera demandé de ne plus publier chez cet éditeur.

Utopique ? Naïf ? Pas si sûr : le ministre de l’éducation a placé la barre assez haut en ciblant 60% des publications des chercheurs hollandais en OA en 2019, et 100% en 2024… Et ce n’est même pas qu’une question d’argent : comme au Royaume-Uni, c’est la voie Gold qui est privilégiée ; les hollandais sont prêts à financer la diffusion en OA, mais à des conditions équitables, et sans perdre l’objectif d’une transition durable d’un modèle à l’autre, pour le bénéfice du plus grand nombre. Autre marque, s’il en fallait, de cette volonté politique forte : ce ne sont pas des bibliothécaires qui mènent les négociations (qu’on se rassure, ils sont bien là en appui), mais des présidents d’université, avec du coup une autorité non négligeable sur les comportements des chercheurs.

[Photo : gigi ibrahim]

Et pendant ce temps là au Wellcome Trust

3178582384_cebb9f124c_mSur le blog du Wellcome trust, on trouve une analyse des coûts, des licences et du signalement des articles financés par cet organisme diffusés en open access pour 2013-2014. Je passe sur les coûts, qui confirment que l’OA hybride est la forme d’OA la plus chère et malgré tout la plus plébiscitée par les auteurs (c’est sans doute là qu’une régulation s’impose), pour m’arrêter sur les questions de signalement et de licences.

Le deal est simple : le Wellcome Trust demande à ce que les articles qu’il finance soient diffusées sous licence CC-BY et versés dans l’archive PubMedCentral. Après vérification, il s’avère que seuls 61% des articles remplissent ces 2 conditions.  En ce qui concerne l’accessibilité sur PMC, il semble que certains éditeurs aient des difficultés à gérer le dépôt automatisé dans la base d’une part, et que leur workflow ne soit pas adapté à ce mode de fonctionnement : en effet, certains éditeurs diffusent les articles en OA avant leur parution « officielle » dans une revue, or PMC n’accepte que la version finale des articles, il faut donc que l’éditeur s’y reprenne à 2 fois, ce qu’il ne fait pas forcément…

Pour les licences, le problème vient le plus souvent d’une mauvaise compréhension des auteurs de ce qui est attendu par le financeur : les articles doivent être diffusés sous licence CC-BY (4.0) et c’est tout, mais l’éditeur propose plusieurs types de licences et au final personne n’y comprend plus rien ; il y a visiblement un travail de pédagogie à faire auprès des auteurs sur ce que sont les licences CC, et des accords à passer avec les éditeurs pour que la licence attendue soit automatiquement appliquée en fonction du financeur.

En résumé, malgré les sommes toujours plus vertigineuses que verse le Wellcome Trust pour la diffusion en accès ouvert de sa production de recherche, le niveau de service fourni n’est toujours pas à la hauteur des attentes, puisque 39% des articles ne remplissent pas les conditions définies par le financeur.

Source : The Reckoning: An Analysis of Wellcome Trust Open Access Spend 2013-14, par Robert Kiley

[Phtoto : Anne Marie Cunningham]

Coupon RSC : just use it !

10866048103_89ca6e3fdd_mEn 2014, pour la première fois, le fait de souscrire un abonnement à une ressource en ligne a eu un lien direct avec l’open access : en effet, le montant de notre abonnement annuel chez l’éditeur de revues de chimie RSC a été converti en un certain nombre de « coupons »* pour la mise en open access d’articles acceptés pour publication (c’est le programme Gold for gold). Ces coupons peuvent être utilisés dans des revues OA et pour de l’OA hybride (des articles en OA dans des revues sur abonnement).

Comme cette offre n’était valable que jusqu’à fin 2014, et comme j’ai vu, en faisant un petit sondage informel auprès de quelques collègues, que nous sommes peu à avoir utilisé cette possibilité, il m’a semblé utile de partager la démarche suivie dans mon établissement.

J’ai commencé par chercher sur la plateforme de l’éditeur les articles publiés par des chercheurs de mon établissement en 2014 (en recherche plein texte, car il n’y a pas de possibilité de recherche par affiliation – j’en ai profité au passage pour signaler à l’éditeur que ce serait sans doute intéressant de développer cette possibilité à l’avenir). Il y en avait plus que ce que je n’avais de coupons, ce qui m’a facilité la tâche. Sur cette liste, j’ai repéré des articles qui étaient déjà en open access, je les ai mis de côté. J’ai ensuite cherché si le « corresponding author » était affilié à mon établissement, je l’ai mentionné pour chaque article. A ce niveau là, le choix n’était plus de mon ressort : j’ai contacté le responsable de la fédération de chimie, qui a sélectionné dans la liste les articles à passer en open access, en tenant compte de différents critères propres à la discipline. Une fois la liste arrêtée, après un échange riche sur les critères avec le responsable, je l’ai transmise à l’éditeur, accompagnée des numéros des coupons à utiliser. J’ai demandé à l’éditeur à ce que les auteurs ne reçoivent pas le message standard les informant du fait que leur article était désormais disponible en open access pour pouvoir leur en envoyer un spécifique, rédigé avec le responsable de la fédération de chimie et expliquant la démarche et les critères de choix.

Je pensais que c’était une affaire réglée, sauf que… il m’a fallu faire signer une licence autorisant la publication en open access par le VP Recherche (et il faudra recommencer chaque année), licence qui n’était mentionnée à aucune étape du processus naturellement… Enfin, ça y est, la fournée des articles 2014 est en open access, on va pouvoir s’attaquer à 2015.

Ce n’est sans doute pas l’idéal, il serait peut-être plus « sain » d’établir une politique de diffusion ou des critères d’attribution en amont et d’en informer les chercheurs au préalable, mais c’est le moyen le plus simple à mettre en œuvre que j’ai trouvé, dans le contexte local (ie avec un responsable de la discipline) et compte tenu des délais. Je ne sais pas si nous procéderons de la même façon cette année, on verra si l’initiative fait parler d’elle au sein de la communauté des chimistes. Si vous avez mis quelque chose en place dans vos établissements, ça serait intéressant de le partager dans les commentaires.

* Si vous avez une meilleure traduction pour « vouchers », mettez-la en commentaire, je corrigerai le billet avec.

APC : Combien ça coûte ?

6736154311_9a0a3a44ba_mJ’ai travaillé en mars dernier sur une évaluation du coût des frais de publication (APC) en accès ouvert pour mon établissement. Ce fut une expérience assez intéressante, j’en note ici les points saillants pouvoir reproduire l’opération les années suivantes.

La démarche

A partir du Web of Science, j’ai limité mes résultats 2013 aux articles en OA : il existe depuis quelques mois une case à cocher qui permet de faire ça. Une fois les données extraites sur Excel, on passe à la recherche du coût des APC pour chaque éditeur, voire revue.

Les difficultés

– Tomber sur des éditeurs qui calculent leurs APC en fonction du nombre de pages de l’article, et aller voir le nombre de page de chaque article pour recalculer un coût plus juste.

– Manquer d’info sur les adhésions des auteurs à telle ou telle société savante : des tarifs préférentiels sont parfois proposés par ces sociétés à leurs membres ; en l’absence d’information, j’ai récupéré le coût le plus élevé.

– Réaliser après coup qu’en fait tous les « corresponding authors » ne sont pas forcément de mon établissement, et reprendre *tous* les articles pour vérifier ; je suis partie du principe que c’est l’établissement de « l’auteur correspondant » qui paye l’APC, c’est une hypothèse qui demande à être vérifiée.

Combien de temps ça m’a pris ? A la grosse louche, je dirai une trentaine d’heures étalées sur 2 mois , mais j’ai perdu du temps en revenant sur des choses que je n’avais pas prévues au départ. Ce qui prend du temps, c’est de trouver la politique des éditeurs et le modèle tarifaire des APC : pour plus de la moitié des éditeurs, il n’y a pas de page dédiée qui détaille les coûts et les différentes options, l’accès à l’information n’est pas facile – il m’est arrivé d’écrire à un éditeur pour savoir si sa revue était bien en OA, et à quel coût.

La suite ?

Ce qu’il faut maintenant, c’est que je puisse croiser mes résultats avec l’outil comptable de l’université, en ayant bien conscience de 2 écueils potentiels avec cette méthode : d’une part tous les APCs ne sont pas forcément payés sur des crédits universitaires, et d’autre part les APCs pour des articles hybrides seront sans doute difficiles à repérer (comment les distinguer des frais de publication « traditionnels » ?) ; je compte reproduire l’opération en mars prochain, pour voir comment ça a évolué.

Double peine

7615370532_791d9a917c_z« Les commissions de recherche du Royaume-Uni, et d’autres organismes financeurs de la recherche, exigent la publication en accès ouvert des résultats de recherche qu’ils financent. Cela a abouti, pour l’University College of London (UCL), partisan de l’accès ouvert de la première heure, ainsi que pour d’autres universités à forte activité de recherche, à un double paiement auprès des éditeurs : une première fois sous la forme de frais de traitement (« article processing charges », APCs), pour pourvoir publier les articles en accès ouvert, et une seconde fois sous la forme d’abonnements, pour pouvoir lire ces mêmes articles.
Pour répondre à la pression de la communauté universitaire, portée par l’UCL, plusieurs éditeurs ont fini par reconnaître l’impact négatif de ces mesures sur le coût global de possession (ce que l’on désigne parfois sous le terme de « double-dipping »). Dans le cadre d’un accord conclus avec le JISC, les éditeurs Wiley-Blackwell et Taylor&Francis se sont engagés auprès de la communauté à répondre à ces inquiétudes avec des modèles innovants pour s’attaquer à la question du coût global de possession et faire baisser les dépenses totales payées actuellement par les BU. »

Je n’arrive pas à me réjouir de cette nouvelle, surtout après avoir commencé à recevoir mes devis pour 2015. Effectivement, il y a bien une colonne avec une réduction pour les publications en OA. Mais son montant est si faible, au vu des coûts des APCs pratiqués par les éditeurs (pas forcément les 2 évoqués ci-dessus, d’ailleurs)…

On apprend par ailleurs que les négociations entre l’association des universités des Pays-Bas et Elsevier sont dans l’impasse, justement parce que l’éditeur n’a apparemment pas été en mesure jusqu’ici de proposer une option crédible de transition vers la diffusion en accès ouvert. Si aucune solution n’est trouvée d’ici la fin de l’année, les accès seront interrompus : l’objectif affiché du ministère de la recherche hollandais est d’atteindre 100% de la production de recherche en OA d’ici 10 ans, il met en cohérence sa politique et ses actes, ce qui n’est pas si fréquent.

[Photo : danaharisson]

Ils publient dans les mégarevues : pourquoi ? comment ?

ImageUne nouvelle étude de David Solomon s’intéresse cette fois aux auteurs publiant dans les mégarevues en open access (PLoS ONE, Sage Open, BMJ Open et PeerJ). Voici quelques-uns des résultats récoltés auprès de ces auteurs  :

– Le quart des articles est de la recherche originale. Moins de la moitié des articles soumis ont déjà été proposés pour publication dans d’autres revues : l’idée, encouragée par les éditeurs eux-mêmes, c’est de re-soumettre un article refusé dans une mégarevue du même éditeur.

– Les critères de choix prépondérants sont la qualité de la revue et la rapidité du processus de validation ; le facteur d’impact compte aussi, dans une moindre mesure (PLOS et BMJ), ainsi que les critères de validation et le fait que la revue soit en OA (PeerJ). Les auteurs publiant chez Sage Open et BMJ se montrent également sensibles à la réputation de l’éditeur

– Le financement des APCs provient, pour la moitié des auteurs de PLoS ONE et le tiers de ceux de BMJ Open et de PeerJ, des bourses allouées aux projets de recherche eux-mêmes. Une grande proportion des auteurs de Sage Open (60%) et de PeerJ (32%) semblent financer les APCs sur leurs propres deniers, mais il est vrai que ceux-ci sont traditionnellement plus modestes en SHS que pour les sciences dures d’une part (Sage est descendu sous la barre des 100$), et que les adhésions individuelles proposées par PeerJ sont très abordables d’autre part.

Solomon conclut :

« Les mégarevues attirent un public international de chercheurs expérimentés. Ceux-ci choisissent de publier dans ces mégarevues pour de nombreuses raisons, mais pour un grand nombre d’entre eux c’est la qualité de la revue et la rapidité du processus de validation et de publication qui priment. Pour la plupart des auteurs, le fait d’avoir une audience plus large n’est pas un facteur-clé, bien que ce soit important pour les auteurs publiant chez PeerJ et chez Sage Open. Les auteurs se disent satisfaits de cette expérience de publication et indiquent qu’ils soumettront vraisemblablement de futures contributions à la même revue ou à une mégarevue similaire, ce qui laisse présager une croissance continue de la poularité de ces revues. »

Solomon DJ. (2014) A survey of authors publishing in four megajournals. PeerJ 2:e365 http://dx.doi.org/10.7717/peerj.365

[Photo : Howard Ignatius]


Mai 2024
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