C’est une question que se pose Aaron Tay, bibliothécaire à Singapour dans ce billet. Après avoir raconté son propre cheminement personnel par rapport à l’open access (intéressant à lire aussi), il réagit à l’une des réponses reçues à sa question posée sur Twitter (tu peux être bibliothécaire et pas promoteur de l’open access « seulement si tu t’intéresses plus aux bibliothèques qu’à la recherche »), et donne son analyse :
« Au mieux, [l’open access] va fortement « disrupter » les bibliothèques universitaires, en entraînant de grandes difficultés dûes aux ajustements des missions, avant une stabilisation, au pire il va nettement réduire le besoin en bibliothécaires et conduire au déclin des bibliothèques ; je confesse que cela m’effraie pour moi et pour les BU. »
Il se demande pourtant si ses craintes sont fondées : les bibliothèques ont surmonté d’autres transitions, comme l’informatisation dans les années 60 ou la montée du web à la fin des années 90, et elles semblent s’adapter de mieux en mieux aux changements. Reste qu’il faut voir la réalité en face et se poser les questions qui fâchent :
« Quels postes vont disparaître quand l’open access sera la norme ? Quelles nouvelles fonctions vont émerger à la place ? Et il ne s’agit pas juste de définir des missions, mais également d’estimer les ETP requis pour les remplir. »
Quel futur pour l’open access et les bibliothèques ?
« Dans tous les cas, je pense qu’actuellement l’open access est inévitable, et qu’il ne sert à rien de se demander si on est pour ou contre. Nous devons nous y préparer et nous organiser pour en tirer un maximum de bénéfice pour nos usagers et peut-être même un peu de considération pour nous-mêmes. »
Pour Aaron, « il y a 3 types de bibliothécaires pour ce qui concerne l’open access :
– d’abord les avocats de l’open access les plus fervents, ce sont ceux qui sont à l’origine de toutes les initiatives géniales, ce sont les stars. Ils sont nombreux à avoir des fonctions liées à la diffusion scientifique (« scholarly communication »), mais pas tous.
– le second groupe rassemble les nouveaux bibliothécaires. Pour ce que j’en ai vu, les nouveaux bibliothécaires tendent à être pro open access, et à penser que c’est une nouvelle branche passionnante du métier. Il y a cependant une différence entre dire qu’on est pour l’open access et en savoir suffisamment pour avoir un réel impact : l’open access est quand même un truc bien compliqué, et je me demande parfois si j’en ferai jamais le tour.
– enfin il y a la grosse majorité silencieuse des bibliothécaires qui font juste leur travail et s’en tapent un peu, de l’open access, parce que ça ne les touche pas vraiment pour le moment.
Pourtant les choses peuvent changer rapidement : il y a quelques années, vous pouviez tranquillement vivre votre vie de responsable des ressources électroniques sans connaître grand chose de l’open access. Aujourd’hui, avec le nombre croissant de ressources en open access, vous devez comprendre dans quelle mesure cela peut affecter les usages des ressources que vous achetez, et il n’est pas idiot d’utiliser des outils d’aide à la décision sur les abonnements prenant en compte le volume de contenus en open access. Vous vous occupez de l’outil de découverte ? Il vaudrait mieux que vous sachiez comment fonctionnent les ressources en open access dans votre index central… »
En résumé, Aaron conclut qu’il est temps de se réveiller, et de se mettre à l’open access, en commençant par lire le bouquin de Peter Suber « Qu’est ce que l’accès ouvert ?« , dispo chez OpenEdition. Ce qui me semble être une bonne idée.
[Photo : Lea Aharonovitch]