Lors de mon dernier passage à i-expo, j’assisté à la séance plénière du jeudi 14/06/2007 intitulée « Les projets d’archives ouvertes : état des lieux des initiatives au plan international, européen et français ».
Je vous livre ici mes notes sur cette demie journée plutôt riche :
Introduction (F. André, INIST)
Les archives ouvertes sont arrivées à une certaine maturité, le soutien institutionnel fort dont elles font l’objet le prouve. Il reste cependant quelques problèmes à régler, notamment : le lien entre AO et publications scientifiques, la structuration au niveau national, la question de l’évaluation.
Jean-Claude Guédon (Université de Montréal)
Rappel : 2 voies pour arriver à l’OA :
– La publication dans des revues en OA
– L’auto-archivage dans des AO
La thèse de l’auto-archivage est devenue dominante à cause du problème du financement des revues en OA (inversion de la tendance)
L’état devrait compter les coûts de publication dans le coût global de la recherche. Les éditeurs commerciaux opposent à ce mode de fonctionnement le fait qu’ils sont, eux, indépendants du pouvoir – c’est un handicap supplémentaire pour les revues en OA.
Paradoxe : le rôle de dissémination des AO a été bien compris par les éditeurs qui ont, en autorisant l’auto-archivage sur les AO, contribué à l’évolution du mouvement. Celui-ci a connu une accélération quand l’ARL via SPARC a décidé de pousser la création d’AO par les bibliothèques, notamment en développant des solutions techniques (Dspace, E-prints…)
Problèmes :
– La logique de l’institution n’est pas forcément celle de la recherche : une AO est une vitrine, mais si on met toute la production de l’établissement, cela génère du bruit pour les chercheurs.
– Le dépôt dans l’AO est vu comme un travail en +, il n’y a pas d’obligation de dépôt, d’où la stagnation à 15-20% : les AO croissent, mais elles n’ont pas atteint une masse critique pour remettre en cause le système.
Débat sur le système de communication scientifique : les résultats de la recherche doivent-ils être réservés aux chercheurs, ou bien peuvent-ils être librement accessibles à tous ? On trouve des partisans de cette dernière approche parmi les médecins éloignés des CHU, ou les associations de patients. Pour les SHS il y a aussi des similarités : l’enseignement secondaire pourrait bénéficier des travaux de recherche, démarche qui, à terme, favoriserait l’échange citoyen (circulation d’une information vivante, pas filtrée par le prisme des programmes, de l’état).
Comment les AO se situent-elles dans la communication scientifique ?
– elles créent de la valeur symbolique autour des articles : en tissant des réseaux entre elles (par type de documents, par discipline…)
– elles pourraient être un nouvel outil d’évaluation de la recherche : de nouvelles métriques restent à inventer autour des AO, pour sortir du circuit de l’évaluation par les citations dominé par les outils de l’ISI. Elles pourraient prendre la forme de guides de lecture, d’outils de recommandation (type guide Michelin)
Les universités disposent d’ores et déjà d’un corpus de travail important pour tester et innover : les thèses.
J. Fernandez-Ros (DG sur la société de l’information et des médias, Commission européenne)
Sa présentation (ici en .pdf) est très complète.
Quelques points forts :
– la situation est très différente selon les pays (UK vs reste de l’Europe).
– il est fortement question que la CE finance les frais de publication des chercheurs qui publieraient dans les revues en OA (les frais de publi seraient éligibles à un financement).
– des études sur les pratiques d’embargo et sur l’impact des revues en OA sont en cours.
Table ronde
G. Chartron (CNAM) [son .ppt en .pdf]
Credo initial : AO disciplinaires, or ce sont les AO institutionnelles qui dominent (80%)
Du coup ce ne sont plus les résultats de la recherche qui dominent : l’objet « AO » est mal défini.
En France, la politique choisie est fortement centralisée, mais il y a une fracture avec les petits éditeurs (surtout en SHS). Les AO concentrent, mais ne sont pas les seules sources : la cohabitation avec les revues va se poursuivre – risque de substitution à long terme pour les petites structures.
Des liens avec le monde des éditeurs existent (Sherpa), mais il y a peu d’échanges (de métadonnées notamment)
Enjeux autour des AO (et de ce qu’on va en faire) : services de veille, overlay journals – les AO permettent une + grande créativité et un enrichissement scientifique.
O. Erzscheid (IUT La Roche sur Yon) – L’évaluation va-t-elle être influencée par les AO ?
Modes d’évaluation actuels : peer-review / facteur d’impact
Les AO englobent des articles validés et des pre-prints.
En 2006, l’index de citation d’ISI (SCI) comptabilisait 9300 titres de revues, dont 2,6% en OA – le DOAJ liste 2721 revues en OA.
Problèmes du peer-review :
– anonymat
– longueur du processus (entre 6 mois et 2 ans ou +)
– coût
– rôle de filtre pas forcément assuré : les articles refusés finissent par être publiés quand même
– + de la moitié des reviewers arrivent à identifier les auteurs…
Alternatives :
– Enfermement : anonymisation totale (aucun intérêt)
– Ouverture du processus :
* Open peer-review : levée de l’anonymat des pairs – critiques + argumentées, les pairs non compétents peuvent refuser de valider, ce qui n’est pas toujours le cas quand ils sont anonymes
* Ouverture à tous les commentaires : avant, pendant, après le processus de validation.
Facteur d’impact :
– Inadapté pour les SHS. De nouvelles métriques apparaissent (facteur d’usage = nombre de téléchargements par exemple)
– Projet de création d’un facteur d’impact européen pour les humanités en standby – résistances culturelles, résistances de marché. Cela dit le marché de la citation est perdu pour les éditeurs s’ils n’investissent pas dans des modes opératoires différents (cf Google Scholar).
– Solution : Création d’un portefeuille de métriques pour prendre en compte l’écosystème de la publication scientifique.
A. Caminade-Mendoza (Toulouse 1) – Aspects juridiques
Pour l’instant le droit reste un spectateur passif du phénomène : interventions ponctuelles quand on rencontre un problème avec les éditeurs classiques.
La position des éditeurs est clarifiée par des outils comme Sherpa/Romeo.
Le droit est quand même bousculé par le mouvement vers l’accès libre à la connaissance :
– la recherche doit rester un bien public (recommandation européenne)
– le savoir n’est pas une propriété (liberté), mais il y a des monopoles (droit d’auteur privatif, exclusif)
L’obligation de dépôt ne rencontre pas l’adhésion des chercheurs ; le phénomène est largement méconnu par les juristes (chercheurs en sciences juridiques) ; les éditeurs commerciaux du secteur juridique forment un lobby très puissant, qu’il est difficile de contester (certains auteurs ont payé pour publier).