Archive pour 31 août 2012

Le Rapport Finch

Depuis quelques semaines les réactions sont nombreuses sur les blogs et autres listes de diffusion professionnelles anglophones à propos du rapport « Accessibilité, durabilité, excellence : comment accroître l’accès aux publications de la recherche » réalisé par le groupe de travail sur l’extension de l’accès aux résultats de la recherche publique, mandaté par le gouvernement britannique en octobre 2011.

Des avancées
Le rapport Finch (du nom de la responsable du groupe de travail, Janet Finch), dont le résumé a été opportunément traduit par les équipes de l’INIST (merci à elles), pose les points suivants :
– Le principe d’un accès libre aux résultats de recherche financée sur fonds public est renforcé
– La « voie dorée » (ie la publication dans des revues en OA) doit être privilégiée
– Il y aura une période de transition, qui engendrera des coûts supplémentaires
– La question des licences nationales doit être étudiée et évaluée
– Les archives ouvertes ont un rôle de conservation et de point d’accès à la littérature grise et aux données de recherche

Des critiques

Présenté ainsi, ce rapport a tout d’une belle avancée pour l’Open Access, cependant… il prête le flanc à un certain nombre de critiques :
– Le modèle des revues en OA (« Gold OA ») est strictement assimilé au modèle auteur-payeur : or, d’une part nombre de revues publiées par des laboratoires et centres de recherche ne font pas payer de frais de publication (« Article Processing Charges », APC) aux auteurs (c’est le cas pour 80% des revues signalées dans le DOAJ) – certes elles sont financées par l’institution en amont, aussi sur fonds publics, mais elles fournissent un accès libre direct à l’intégralité de leurs contenus -, et d’autre part le modèle auteur-payeur ne libère, au final, qu’un seul article à la fois. Alors que les revues en OA constituent une réelle alternative aux revues sur abonnement, le système de l’auteur-payeur me paraît très limité : comment suivre les évolutions d’une thématique de recherche quand on n’a accès qu’à des fragments de cette recherche ? Je trouve que une solution comme le mandat de dépôt mis en place par la Commission Européenne dans le cadre du 7ème PCRD (et l’accès via OpenAIRE) plus efficace : pour tout un projet, toutes les publications doivent être déposées (avec une période d’embargo certes, mais c’est un moindre mal). Par ailleurs, le rapport recule sur la question des embargos en préconisant une durée minimale de 12 mois (au lieu de 6 généralement).

– Les recommandations du rapport sont également les plus coûteuses : elles ne dispensent pas du maintien des abonnements traditionnels, et ajoutent une dépense non négligeable pour les frais de publication, dont le coût, estimé à 50-60 millions de £, ne sera pas compensé par une rallonge budgétaire en ces temps de crise. Et il n’est demandé aucune contrepartie aux éditeurs (parce que quand même c’est par là que ça devrait commencer) : une baisse du coût des abonnements serait pourtant la moindre des choses. C’est vraiment l’industrie de l’édition qui est défendue ici (« the group […] had been concerned not to recommend measures that would “damage high standards of peer review or undermine the very successful publishing industry”…), bien plus que l’amélioration des circuits de diffusion de l’information scientifique… Pour ce qui est des licences nationales, le rapport reste au stade des recommandations, aucune estimation n’est donnée. A mon avis, quitte à mettre 50 millions de £ sur la table, autant les investir dans des licences nationales pour tous que dans des frais de publication pour une diffusion partielle. Je dis ça je dis rien…

– On passe d’un système où il faut payer pour lire les articles à un système où il faut payer pour publier, ce qui creuse les inégalités entre les pays (quid des chercheurs des pays en développement ?), entre les établissements (les « riches » paieront en plus pour publier, les « pauvres » continueront à payer pour voir pendant la loooongue période de transition) et entre les disciplines (en SHS ce sont encore les ouvrages qui font référence, or que restera-t-il pour financer la publication d’ouvrages en OA ?). Au sein d’un même établissement, on risque également de voir s’accentuer la compétition :

  • entre les disciplines de pointe et les disciplines de niche : les établissements devront établir des priorités de financement, qui risquent d’être défavorables aux disciplines émergentes ou hyperspécialisées.
  • entre les anciens et les modernes : il est vraisemblable que les établissement miseront plus volontiers sur des chercheurs confirmés que sur de jeunes chercheurs, ce qui n’encourage pas forcément l’innovation.

– L’impact du dépôt dans des archives ouvertes (la « voie verte » vers l’OA) est minoré, au prétexte que le rythme des dépôts n’est pas celui escompté. Certes il est recommandé de poursuivre le développement des archives ouvertes, mais en les cantonnant à une complémentarité avec l’édition traditionnelle : ciblage sur la littérature grise et aux données de recherche, rôle de conservation. Il semblerait plus judicieux de renforcer les mandats institutionnels pour augmenter le nombre de dépôts, non ? En plus ça ne coûte pas grand chose, enfin, pas rien, mais pas 50 millions non plus.

Sources

Reaction to the Finch report par Peter Murray-Rust

Push for gold will cost millions, open-access report says dans le Times Higher Education

The Finch Report on open access: it’s complicated sur Reciprocal space

The Finch Report: Optimism, Hope and Frustration for Repository Staff in Equal Measures par l’UKCoRR (United Kingdom Council of Research Repositories)

Some Thoughts on the Finch Report sur The past speaks

The Finch report and its implications for the developping world sur Open and Shut?

The Finch Report: UCL’s David Price Responds sur Open and Shut?

The Finch Report in a global Open Access landscape par Paul Ayris sur Open and Shut?

[photo : steve nordby]

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