Archive pour février 2013

Trouver des articles en OA sur Science Direct

Les éditeurs commerciaux sautent tous peu à peu dans le train de l’Open Access, en proposant aux auteurs de « libérer » leurs articles : moyennant finance (des frais de publication, « article processing charges » ou « APC »), lesdits articles sont accessibles sans abonnement pour tous. Oui, mais comment repérer ces articles ? En effet, la démarche de libération restant individuelle, les articles en open access sont éclatés dans des revues différentes, du coup, difficile de les retrouver, ou de les compter. J’ai donc décidé d’aller voir de plus près ce que les éditeurs nous proposent en matière de signalement des contenus OA, en commençant par Elsevier.

2880787_817eab9dab_mMéthodologie
Je me suis donc adressée via Twitter à Alicia Wise (@wisealic), responsable des problématiques d’accès chez Elsevier (son véritable titre est « director of universal access »), et lui ai demandé comment trouver le nombre d’articles en OA disponibles sur la plateforme Science Direct ; voici ce qu’elle m’a répondu (en plusieurs tweets) :
– Allez sur la recherche avancée de Science Direct, sélectionnez la recherche experte, puis l’onglet ‘revues’
– Entrez dans le champ de saisie la commande “sponsoredaccesstype(unlimited OR delay)” pour obtenir une liste, qui ne sera pas complète
Alicia m’a également informée de l’existence d’une liste des revues proposant des articles en OA, mais pas de décompte d’articles.
J’ai fait comme elle m’a dit pour afficher une liste d’articles en OA, mais malheureusement il semble y avoir un os dans la syntaxe : j’obtiens le message « The field you have entered is not recognized. Check your syntax against the help file and try again. » Oups. Bon, j’ai signalé le problème, j’attends une solution.
La liste « Journals free access » est bien disponible, elle recense 226 titres, répartis selon les catégories suivantes :
– Permanent free access to all issues available (125 revues)
– All available issues until 24/48 months prior to current date (46 revues)
– All issues from (année) until (x) months prior to current date (55 revues)
Je suis allée voir les titres de la 1ère catégorie, les seuls effectivement en Open Access selon les critères du DOAJ (ie aucune période d’embargo n’est acceptée).

Résultats
J’ai examiné 26 titres de la liste (soit 20,8% des 125), et, contre toute attente, je constate que le signalement est loin d’être homogène, alors qu’a priori toutes ces revues sont censées être disponibles en libre accès. Voici ce que j’ai pu observer  :
– la page d’accueil est la même, que la revue soit OA ou pas : rien ne permet de distinguer au premier coup d’oeil que l’accès est libre
– les sommaires : j’ai trouvé bizarre la présence dans 73% des revues examinées, d’un bouton « Purchase » dans l’en-tête de la liste des articles (à côté des fonctionnalités d’export et d’envoi par messagerie, c’est la première chose que l’on voit). Quelle utilité pour des articles en open access ? D’autant que, si on tente d’aller au bout de la manip’, le système nous dit rapidement que l’achat n’est pas possible, puisque l’on a déjà accès aux articles en question.
3493131867_2e2ca1c574_mAutre bonne idée, la mention « open access article » sur chaque article dès le sommaire. La mention n’est cependant pas spécialement mise en valeur, elle apparaît juste après le lien vers les ouvrages de référence, et n’a rien de systématique : à vrai dire je ne l’ai rencontrée que sur 2 titres de mon échantillon (les « bons élèves »).
– la page « A propos » de la revue : sur la présentation détaillée, on trouve dans 70% des cas une indication sur l’accessibilité de la revue, le plus souvent sous la forme d’un bouton « Open Access », mais sans aucun détail complémentaire dans le texte de la présentation. Dans certains cas est évoqué le fait que les articles sont disponibles gratuitement, mais rien n’indique que c’est une démarche volontaire de la part du comité éditorial ou des auteurs (« free pdfs »)
– l’accès aux articles proprement dit : si j’ai pu accéder aux versions pdf dans tous les cas, la version HTML m’a été refusée pour un article sur 5. Souvent c’était pour des proceedings, mais pas toujours, ce serait bien de connaître la raison de cette anomalie. – les articles : pour 65% des articles examinés, je n’ai trouvé aucune mention d’aucune sorte sur le fait que l’article soit disponible parce qu’en open access sur la version HTML, et le pourcentage grimpe à 73% pour la version pdf. Quand cela est signalé, un bouton figure dans le volet de droite de l’article, dans la zone « Applications and tools » ; il est parfois accompagné d’un lien vers la politique d’Elsevier concernant le libre accès (« See our Open Access policy »). Pour certains pdf figure de façon assez visible la mention « this is an open-access article distributed under the terms of the Creative Commons », mais c’est rare. Autre étrangeté, depuis le lien « Permissions and reprints » présent sur la version HTML, un renvoi vers l’outil « LinksRights » de gestion des demandes d’autorisation pour les réutilisations…  (mais ça fera peut-être l’objet d’un autre billet)

En résumé : il est difficile de repérer les revues et les articles en libre accès sur Science Direct
En ce qui concerne mon échantillon en tout cas, ceux-ci ne sont pas mis en valeur pour l’utilisateur lambda, qui se satisfera probablement de pouvoir accéder aux contenus, sans savoir d’où vient cette bonne fortune.
Il me semble cependant qu’il ne devrait pas en aller de même pour les auteurs, qui payent pour la « libération » de leurs articles, et pourraient s’attendre, à juste titre, à ce que cette démarche soit au minimum reconnue, sinon valorisée. Et, derrière les auteurs, leurs institutions et leurs organismes financeurs : les sommes demandées par article ne sont pas triviales, et un établissement peut légitimement espérer en retirer une forme de retour sur investissement, sous forme de « placement de marque » (« cet article vous est offert par l’université de … ») par exemple.
Il est également préoccupant pour les bibliothécaires de ne pas avoir de vue claire sur ces contenus, aussi bien pour des questions de médiation (dans leur rôle de promoteurs de l’OA) de que pour des questions de gestion financière : si ces articles ont déjà été payés par les auteurs ou leurs bailleurs de fonds, ils doivent être exclus des contenus sur abonnement (ce serait dommage de les payer 2 fois…)
Enfin, il paraît surprenant qu’un éditeur avec de tels moyens techniques ne puisse pas harmoniser la présentation et le signalement de ces contenus ; comment peut-il espérer, s’il ne fait pas le nécessaire, attirer davantage d’auteurs vers son modèle hybride ?

[Photos : eversion, hartman045]

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Pétition pour l’accès libre aux résultats de la recherche fédérale : l’administration Obama dit « Oui » !

Le message traduit ci-dessous, publié ce week-end sur le site de la Maison Blanche, a également été adressé par e-mail aux 65704 signataires de la pétition demandant « un accès libre aux articles de revues scientifiques provenant de recherches financées par les contribuables ».

« Augmenter l’accès public aux résultats de la recherche scientifique

Par le Dr. John Holdren

Merci pour votre participation sur la plateforme « We the people ». L’administration Obama convient du fait que les citoyens méritent un accès facilité aux résultats de la recherche financée par leurs impôts. Comme vous le savez peut-être, le bureau de la politique scientifique et technologique (Office of Science and Technology Policy, OSTP) se préoccupe de cette question depuis un certain temps, et a eu l’occasion à deux reprises de faire appel au public pour connaître ses suggestions sur les moyens d’arriver à la démocratisation des résultats de la recherche financée par le gouvernement fédéral. Votre pétition a été d’une grande aide dans la discussion sur cette question.

La logique derrière un accès public amélioré est évidente. Nous savons que la recherche scientifique soutenue par le gouvernement fédéral stimule des découvertes scientifiques capitales et des avancées économiques, lorsque les résultats de cette recherche sont accessibles pour les innovateurs. Des politiques qui mobilisent ces biens intellectuels pour une réutilisation via un accès élargi peuvent accélérer les avancées scientifiques, accroître les innovations et encourager la croissance économique. C’est pourquoi l’administration Obama s’est engagée à veiller à ce que les résultats de la recherche scientifique financée par le gouvernement fédéral soient mis à la disposition et au service du public, de l’industrie et de la communauté scientifique.

2722210623_6059a1615d_mDe plus, ces recherches ont été financées par l’argent du contribuable. Les américains devraient pouvoir accéder facilement aux résultats de la recherche qu’ils aident à financer.

C’est dans cet objectif que j’ai publié aujourd’hui une note à destination des agences fédérales, qui demande à celles qui dépensent plus de 100 millions de dollars en recherche et développement de concevoir des plans d’actions afin de rendre publics les résultats de la recherche financée par des fonds fédéraux, et ce gratuitement, dans un délai de 12 mois après leur publication initiale. Comme vous l’avez indiqué, la politique d’accès public adoptée par les National Institutes of Health (NIH) a été un grand succès. Et, alors que ce nouvel appel politique ne demande pas aux agences de copier exactement la démarche des NIH, il permet de s’assurer que des politiques similaires vont apparaître dans tout le gouvernement.

Comme je l’ai dit, ces politiques ont été développées soigneusement, à travers une vaste consultation publique. Nous voulions trouver un compromis entre l’extraordinaire bénéfice public amené par l’accroissement de l’accès pour tous aux résultats de la recherche financée sur fonds fédéraux et le besoin de garantir que les contributions de grande valeur apportées par l’industrie de l’édition scientifique ne seraient pas perdues. Cette politique reflète cet équilibre, et se donne aussi la souplesse d’y apporter des changements ultérieurs en fonction des usages et des observations. Par exemple, il a été demandé aux agences de travailler sur la base d’une période d’embargo de 12 mois pour leur permettre de développer leurs politiques, mais également d’envisager un mécanisme permettant aux différents acteurs du secteur de leur demander de modifier cette période. Au fur et à mesure de l’avancée des agences dans le développement et l’implémentation de leurs politiques, il y aura de nombreuses possibilités de participation publique pour s’assurer que les agences font le meilleur travail possible pour satisfaire tous les intérêts en présence.

En plus d’aborder la question de l’accès public aux publications scientifiques, cette note demande aux agences de commencer à s’intéresser à la nécessité d’améliorer la gestion et le partage des données scientifiques produites avec des financements fédéraux. Le renforcement de ces politiques va encourager l’entreprenariat et la création d’emploi, en plus de conduire le progrès scientifique. L’accès à des jeux de données pré-existants peut accélérer la croissance, en permettant à des sociétés de concentrer leurs ressources et leurs efforts sur l’interprétation et l’exploitation pleine des découvertes, au lieu de répéter un travail pré-concurrentiel de base, déjà documenté par ailleurs. Par exemple, les données climatiques ouvertes sous-tendent l’industrie de la prévision et fournissent des bénéfices publics importants ; la publication des séquences du génome humain a engendré de nombreuses innovations dans le domaine biomédical – sans parler des nombreuses sociétés générant des milliards de dollars de revenus et les emplois qui vont avec. Progresser vers une plus large disponibilité des données scientifiques va permettre de créer des marchés économiques innovants pour des services liés à la curation, à la conservation, à l’analyse et à la visualisation des données, entre autres.

Alors merci encore pour votre pétition. J’espère que vous conviendrez que l’administration a fait son travail et vraiment répondu à votre demande.

John Holdren est conseiller du Président pour les questions scientifiques et technologiques et directeur du bureau de la politique scientifique et technologique de la Maison Blanche. »

Merci à @St_B pour la suggestion de traduction.

[Photo : StevenANichols]

 

FRPAA et FASTR

3032252292_c5979d18c1_mVoilà quelques temps que je me dis qu’il faut que je fasse un billet sur FRPAA, et voilà qu’arrive FASTR : je vais tâcher de faire un petit récapitulatif sur ces 2 projets de loi.

Au commencement était FRPAA
Le Federal Research Public Access Act (FRPAA), proposé à plusieurs reprises depuis 2006, est un projet de loi qui demande la mise en accès libre des résultats de la recherche financée sur fonds publics par 11 agences fédérales des Etats-Unis. Les agences en question financent chacune pour plus de 100 millions de dollars de recherche, et couvrent la plupart des secteurs d’activité : agriculture, education, défense, santé etc. Elles doivent mettre en oeuvre une politique de libre accès et s’assurer que les articles soient déposés soit sur leurs propres serveurs, soient dans des archives ouvertes, afin de garantir un accès libre et pérenne aux documents. Ceux-ci doivent être rendus accessibles dans un délai de 6 mois maximum après publication dans une revue académique.
Malgré des soutiens de plus en plus nombreux (le dernier en date provenant d’une cinquantaine de prix Nobel, tout de même), le projet n’est jamais passé au vote dans les instances législatives américaines.
Comme on peut s’y attendre, l’Association of American Publishers (AAP) s’oppose fermement à ce projet depuis le début, arguant que cette loi, si elle était votée, placerait les agences fédérales en concurrence avec les éditeurs privés, saperait à la fois le copyright et le système de peer-review (on ne voit/dit pas bien comment, mais la dialectique à base de FUD a comme un air de déjà vu), et, surtout, entraînerait des coûts et du travail supplémentaires pour les agences qui seraient obligées de créer des bases de données pour organiser l’accès aux documents, alors que de tels outils existent déjà (produits par le secteur privé).
Puis vint FASTR
Le projet de loi Fair Access to Science and Technology Research Act (FASTR), qui vient tout juste d’être soumis aux 2 chambres américaines, reprend les mêmes revendications que FRPAA, mais les renforce en demandant en plus :
– à ce que les résultats de recherche puissent être réutilisés et traités informatiquement (analyse et fouille de données)
– à ce que les articles déposés dans les archives ouvertes le soient dans des formats et selon des conditions qui permettent la réutilisation des données
– à ce que les rapports annuels des agences concernées dressent un état des conditions de réutilisation des articles déposés et étudient la possibilité de les diffuser sous une licence permettant une libre diffusion à condition de mentionner la paternité des auteurs.
2086157902_481ecf2e04_mComme pour FRPAA, les agences auront 1 an de transition pour implémenter leur politique de libre accès. Comme pour FRPAA, les questions de copyright ne sont pas directement remises en cause : les agences ne demandent pas le transfert des droits, elles utiliseront des licences non-exclusives pour la diffusion (après, aux auteurs de regarder de près ce qu’ils signent et ce qu’ils cèdent aux éditeurs…). Comme pour FRPAA, les agences seront libres de choisir l’organisation qui leur convient pour la mise en oeuvre de leur politique : le projet n’impose pas de modèle unique.
Dans les 2 cas, c’est la voie verte (« green OA ») qui est mise en avant : les articles doivent être déposés dans des archives ouvertes, dans leur version acceptée pour publication. Rien n’empêche les auteurs de publier aussi dans des revues en libre accès (« gold OA »), mais ce n’est pas l’objet du projet.
Sorti le 13/02, FASTR a d’ores et déjà le soutien de plusieurs associations (bibliothèques US, SPARC, Electronic Frontier Foundation, Creative commons…), qui soulignent que « cette loi fait avancer les progrès réalisés avec la politique d’accès public des NIH, la première agence américaine a exiger un accès public aux résultats de la recherche financée par les contribuables. Depuis la mise en place de cette politique, ce sont en moyenne 90 000 nouveaux articles dans le domaine biomédical qui sont accessibles à tous chaque année. Et la demande pour ce type d’information est extrêmement forte, avec plus de 700 000 visiteurs uniques se connectant [à Pubmed Central] chaque jour. Avec FASTR, les résultats de recherche concernant des thématiques également importantes – du changement climatique aux énergies renouvelables – seront tout aussi facilement accessible au plus grand nombre. »
3031410561_6fdf0f6ba6_mDe nouveau, l’AAP a rapidement manifesté son opposition : pour elle, FASTR est « inutile et un gaspillage d’argent public »… (je vous fais grâce du reste des arguments, ce sont toujours les mêmes).

Sources

[Photos : Mederic,Artchemist2007, Mederic]


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