Avant toute chose, il faut savoir que ce secteur est extrèmement mouvant, et que les éditeurs font preuve d’une créativité insoupçonnée dès qu’il s’agit de « business models »…
Pour les périodiques électroniques, on distingue :
– le couplage papier + électronique
2 versions : soit l’électronique est fourni gratuitement avec le papier (c’est le cas par exemple des revues de SHS chez Blackwell, en tout cas avant la fusion avec Wiley), soit il faut payer un supplément en plus de son abonnement papier pour accéder à l’électronique, ce qui permet parfois d’étendre le périmètre de son abonnement à plusieurs sites.
– le tout-électronique
Plus de papier, mais la tarification se base quand même sur le prix de l’abonnement papier… Pour un pourcentage du prix du papier (entre 80 et 95%), on obtient une licence pour un ou plusieurs sites. Ce que demande l’éditeur, c’est que l’université maintienne un chiffre d’affaires minimum, qui correspond à la dépense pour les abonnements papier si on en a, ou à un forfait minimum si on n’en a pas (une sorte de « ticket d’entrée » pour pouvoir bénéficier des conditions tarifaires qui ont été négociées), on dit « flat fee » en VO.
Passons sur le paiement à l’article ou Pay-per-view, relativement peu pratiqué en bibliothèque pour les raisons de gestion qu’on imagine (paiement direct par CB ou compte paypal).
Ensuite, quand on s’intéresse aux bouquets de périodiques (qu’ils soient thématiques ou catalogues complets) ou aux bases de données, il faut souvent prendre en compte le nombre de FTE (Full Time Equivalent) – en français on dit Equivalent Temps Plein (ETP) – il s’agit des étudiants et des enseignants, bref les utilisateurs potentiels (pensez à récupérer tous les ans et à garder sous la main le nombre d’étudiants « officiel » et le nombre d’enseignants auprès de la scolarité et de la DRH, si possible par « discipline SISE », ça vous facilitera la vie). Les tarifs sont souvent proposés par tranche selon ce nombre de FTE. Les bases ou les bouquets spécialisés utilisent le nombre de FTE dans la ou les disciplines qu’ils couvrent. Peuvent aussi être pris en compte pour les calculs de coût le nombre de sites à desservir, leur éloignement les uns des autres.
Enfin l’offre des éditeurs d’une option « open access » permet, pour les auteurs qui le souhaitent, de proposer leurs articles en libre accès, moyennant un coût financé par les auteurs ou les organismes de recherche dont ils dépendent. Pour les bibliothèques, dans un premier temps cela ne change rien*, sauf que l’on pourrait bien voir émerger dans les mois qui viennent de nouveaux modèles économiques, prenant en compte la proportion de publications en open access financées par les auteurs par exemple.
Une autre évolution pourrait aussi être l’utilisation des statistiques d’usage des ressources électroniques : à manipuler avec précaution : si plus j’utilise, plus je paye, selon les cas ça risque de me coûter cher 🙂 – et de me placer, moi bibliothèque, dans une position ambigüe : je veux que mes acquisitions soient utilisées, mais il ne faut pas que cela fasse exploser mes budgets – plutôt incompatible avec les politiques d’accès illimité et à distance menées un peu partout ces derniers temps, non ?
Quelques mots sur les différents contextes d’acquisition : on achète généralement pour son université, mais les outils et modes d’achat peuvent être liés à d’autres établissements :
– Couperin tout d’abord, le consortium national, qui négocie pour l’ensemble de ses 210+ membres. Petite précision, car je me suis aperçue qu’il y avait souvent confusion : Couperin ne fait que négocier (et c’est déjà beaucoup !), et ne se charge ni de la mise en place des accès, ni de la facturation, ni rien du tout. Une fois que la proposition tarifaire négociée par Couperin est diffusée, chaque université est libre d’y adhérer ou pas, charge à elle de contacter le fournisseur, de gérer la procédure d’achat (marché négocié, facturation via le marché de périodiques, règle des 3 devis…), d’envoyer la liste de ses adresses IP…
– les regroupements d’établissements : on achète une ressource à plusieurs, dans le cadre d’une négociation Couperin ou d’une négociation directe (ça s’est vu), on organise un groupement de commandes (GC) dont l’un des établissements partenaires avance le paiement de la facture globale, puis refacture chaque établissement selon une règle de répartition décidée à l’avance. Comme on me le fait justement remarquer en commentaire, certains groupements de commandes (une dizaine) sont portés par l’ABES, ce qui est considérablement plus souple pour les établissements.
Avantages : les conditions négociées le sont pour toute la durée du GC (pas de mauvaises surprises d’une année sur l’autre), on sort de la logique des marchés individuels (c’est l’établissement porteur qui gère la procédure), souvent il y a une subvention du ministère.
Inconvénients : il est difficile, voire impossible d’entrer dans un GC déjà constitué ; l’établissement porteur doit faire l’avance de sommes importantes, et gérer des procédures d’appel d’offres (jamais très souples).
Il peut exister des regroupements locaux (ex : les 3 universités d’Aix-Marseille), régionaux (ex : les UNR), nationaux (ex : accord national ISI) ; je n’en ai pas pratiqué d’européens pour le moment, mais pourquoi pas.
* à l’échelle d’une université française bien sûr, par contre pour les grandes universités nord-américaines, cela a des implications non négligeables.
J’ai bien dû oublier des choses, n’hésitez pas à me les signaler dans les commentaires !
[photos : amycgx, kiki99, amanda bel]
Excellente synthèse Marlène. C’est vrai que le monde de la doc élec semble une jungle pour nos collègues. On pourrait parler aussi de la question des licences, des accès (distants, shibboleth etc.), des marchés qui se mettent difficilement en place (flou) mais ce serait encore compliquer les choses.
Bonjour Marlène,
Je comprend bien qu’il te faut faire bref, dans ces billets,
mais quand tu écris :
« quand on s’intéresse aux bouquets de périodiques (qu’ils soient thématiques ou catalogues complets) »
je tique un peu …
Plus c’est un gros éditeur – en terme de titres – moins on a accès à la totalité de son catalogue !
Et malheureusement cela a été, et est encore source de confusion !
Pour les plus gros on a des « package »,
fort mal définis et évolutifs,
mais pas à leur catalogue complet !!
Cordialement
Bonjour Marlène,
Au niveau des groupements de commande, ne pas oublier l’ABES, l’un des porteurs de groupements de commande aux reins les plus solides … L’ABES coordonne actuellement 10 groupements de commandes :
Business Source Premier
Cairn
CAS
Dalloz
Doctrinal (en cours de constitution)
Elsevier Science Direct
Jstor
Juris-Classeur
Proquest
2LR Lamyline Reflex
Pour en savoir plus sur cette activité gérée par l’ABES http://www.abes.fr/abes/page,466,groupements-de-commandes.html
et encore bravo pour ce vade mecum
Bonjour,
J’avoue ne pas comprendre (et être intéressée par) le sous-entendu derrière la mention distinguant l’option France et Nord amérique concernant l' »open access » ?
Mon expérience terrain : absolument aucun document de chercheurs français (dans nos domaines) publiant quasi-exclusivement chez Hermès et pour lesquels nous n’avons aucune publication en libre accès, ni sur leur site inexistant, ni sur HAL, et l’équivalent nord américain, publiant chez ACM ou SIghir mais dont les publications sont toutefois accessibles en libre accès sur leur site de leur université (équivalent selon moi du Open Accès français centralisé type HAL). Merci. Dalb