Extrait de l’interview de Claudio Aspesi, analyste financier à propos des évolutions possibles pour Elsevier, par Richard Poynder sur son blog Open and shut ? – je vous conseille de le lire en entier, si vous vous intéressez aux questions de doc électronique – :
« RP: Dans un rapport publié en mars, vous disiez « Reed Elsevier semble nier l’ampleur du problème pouvant affecter l’édition scientifique, et une approche plus en profondeur sur cette question serait la bienvenue. » Pouvez-vous nous en dire plus sur ce à quoi vous faites allusion ?
CA: Si – et je tiens à souligner le « si » – les contraintes budgétaires sur les bibliothèques universitaires résultent en plusieurs années de faible augmentation, voire d’absence d’augmentation des revenus, les éditeurs devront, au minimum, réduire fortement leurs coûts de production.
Si les contraintes budgétaires conduisent à des suppressions massives de contrats de type « big deal », et à une offre de nouveaux contrats à 20-30% de dépenses en moins, les éditeurs auront l’obligation de s’adapter. Aussi longtemps que les gestionnaires sembleront croire (si l’on en juge leurs déclarations publiques) qu’il n’y a aucune probabilité pour que leurs revenus restent inchangés pour les nombreuses années à venir, il faudra se demander s’il existe un plan B, qui en est responsable, et quel type d’événement pourront le déclencher.
Il y a également le fait que les arguments qu’Elsevier a mis en avant par le passé à propos de l’OA ne sont pas convaincants : par exemple, quand Reed Elsevier affirme que l’OA est voué à l’échec à cause du besoin de validation par les pairs, la société ignore le fait que la plupart des partisans de l’OA soutiennent la dissemination de cette validation.
RP: Je pense que ce que vous dites, au fond, c’est que le groupe est en déni face à l’Open Access (OA), et à son impact probable sur sa rentabilité future. En quoi l’OA est-il une menace pour l’avenir d’Elsevier ?
CA: L’OA n’a pas besoin d’être une menace. En fait, je pense qu’un passage vers l’OA « en or » (Gold OA) pourrait être bénéfique à Elsevier : si les revues proposaient des coûts de publication correspondant globalement aux revenus que la compagnie perçoit actuellement, elle maintiendrait son niveau de revenu, pour un coût vraisemblablement moindre.
La véritable menace vient de l’auto-archivage des revues validées par les pairs [Green OA]. C’est cela qui rend SCOAP, le modèle développé par la communauté des physiciens, tellement perturbant : il réduit le rôle de l’éditeur à la gestion du processus de validation, avec éventuellement un peu de mise en page. Cela nécessite des coûts plus faibles, et nie la valeur du facteur d’impact.
RP: Alors quel est le fond du problème auquel fait face Elsevier ?
CA: La société a élaboré un modèle économique sur un principe d’augmentations de revenu annuelles, justifiées et donc financées par le lancement continu de nouveaux titres. Cela a bien marché (en tout cas pour Elsevier) tant que les bibliothécaires ont pu trouver l’argent nécessaire (quel qu’ait pu être leur mécontentement croissant de l’augmentation des dépenses). Cela ne peut pas durer si l’on continue à restreindre les budgets des bibliothèques. »
[photo : deni]