J’ai assisté cette semaine à la matinée d’étude « Publications scientifiques et financement européen » organisée par Couperin pour présenter les initiatives de la Commission Européenne sur le sujet, et plus particulièrement le projet OpenAIRE.
La manifestation était de qualité, j’en retiens plus particulièrement 2 temps :
Keynote : Reconstruire la République des sciences par le libre accès : responsabilités et évaluation des chercheurs – Jean-Claude Guédon
Pour JCG, la Science est une « grande conversation ». Les associations savantes, les éditeurs, les bibliothécaires soutiennent cette « grande conversation », en diffusant l’information scientifique. Il fait les constats suivants sur la diffusion en libre accès :
– L’Open Access a rencontré beaucoup de succès depuis sa naissance en 2001-2002 : il existe de + en + d’archives institutionnelles, et plus de 5000 revues en OA sont recensées par le DOAJ. Un mouvement qui prend de l’ampleur, mais qui hésite sur la suite.
– Une faiblesse : le déséquilibre qui demeure entre le rôle des bibliothécaires (très positif, mais qui manque de légitimité) et la logique des chercheurs (relativement indifférents aux nouveaux usages mis en avant par les bibliothécaires)
– Malgré ces progrès, l’intérêt des chercheurs demeure pour les revues prestigieuses, et pas pour les revues en OA de visibilité moyenne (PLoS, Biomed Central), en raison de leur utilisation comme élément d’évaluation de la carrière des chercheurs.
Comment faire avancer les choses ? Vraisemblablement en faisant évoluer les métriques utilisées pour l’évaluation des chercheurs.
Si on prend le cas du facteur d’impact – de plus en plus détourné de son usage initial (l’évaluation des revues) pour évaluer les chercheurs – on voit que, à l’instar des pratiques utilisées en athlétisme pour la course de sprint, où les temps sont désormais calculés au centième de seconde, le facteur d’impact a lui aussi 3 décimales : on a augmenté artificiellement sa valeur pour créer de la compétition, du spectacle. Du coup, comme en athlétisme, on voit émerger des « champions » de la recherche, et du « dopage » : certains n’hésitent pas à adapter leur production scientifique à la métrique (voir des exemples d’articles retirés et autres malversations intellectuelles sur le site Badscience), qui agit comme une « stéroïde intellectuelle ». L’évaluation de la qualité générale de la science doit pouvoir se faire en dehors des « champions de la métrique » : de nouvelles formes d’évaluation peuvent s’élaborer avec l’Open Access ; on peut imaginer par exemple de mesurer un facteur d’éducation, un facteur social… Cela permettrait de reconstruire le jeu de la concurrence scientifique de façon plus saine, d’articuler la quête de l’excellence à la quête de la qualité. Plusieurs pays se sont démarqués de cet indicateur et ont bâti leurs propres métriques, notamment en Amérique Latine avec SCIELO.
Table-ronde – Rendre les travaux librement accessibles : quel intérêt pour un chercheur ?
Il a été demandé aux 4 intervenants – des « power users » de Hal, issus de différents organismes de recherche, qui déposent beaucoup – comment ils percevaient leur plateforme :
– Importance de Hal pour repérer la littérature grise : le fait que Hal héberge d’autres types de documents que les articles (thèses, rapports…) est très apprécié : il permet de mettre en valeur facilement toutes les publications sur un projet, ainsi que de collaborer sur des documents non publiables (cas d’un document de travail alimenté en commun dans le cadre d’un projet européen)
– Intérêt principal pour le chercheur : avoir la liste complète de ses publications à un seul endroit, et pouvoir l’utiliser pour alimenter une page perso, ou la page de son laboratoire.
– Hal est un moyen de mettre sa production à disposition du public (qui n’a pas forcément accès aux revues en ligne dans lesquelles la recherche est publiée), mais pas un système de validation (ce rôle reste celui de la revue). C’est un auxiliaire utile, mais pas un outil de travail principal.
– Forte utilisation de Google ou Google Scholar comme point d’entrée dans une recherche, les chercheurs se tournent vers les bases de données spécialisées à partir du moment où ils veulent citer des articles. Hal n’est pas utilisé comme moteur de recherche.
– Le fait que les dépôts dans Hal soient assez rapidement indexés par Google Scholar est un vrai plus pour se faire connaître et de se faire citer.
– Hal est devenu petit à petit un outil partagé par les chercheurs, un point commun entre différentes institutions, toutes disciplines confondues.
– En ce qui concerne les améliorations souhaitées : plus d’automatisation pour repérer les travaux publiés dans les bases des éditeurs et demander aux auteurs de déposer, une compatibilité avec d’autres outils que Pubmed et ArXiv ; Endnote est cité.
[photos : Vestman, Waltarrrr]
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