La 2ème session des Entretiens de la BnF avait pour thème « Acquérir des documents numériques ».
Jean Sykes, London School of Economics
Jean Sykes a d’abord présenté les avantages des AO pour la recherche : + de visibilité, + d’échanges, + d’accessibilité (rapidité par rapport au papier dans le processus de publication puisque toute la recherche est nativement électronique), puis les avantages d’une AO institutionnelle : vitrine pour les établissements et les chercheurs, plusieurs types de documents peuvent être archivés, CV du chercheur avec liens vers le texte intégral. Elle a ensuite évoqué les projets d’AO dont la LSE fait partie :
LSE Research Online
L’AO de la LSE a démarré en 2005, dans la 2ème vague d’AO mises en place dans les établissements au Royaume-Uni. Elle a été financée par le JISC et la bibliothèque au départ, maintenant elle n’est plus financée que par la bibliothèque. Du personnel a été redistribué au sein de la bibliothèque grâce à l’automatisation de certaines tâches ou leur mise en self service. Les contenus sont multiples : pre et post-prints, chapitres d’ouvrages, rapports, thèses (en 2007). La plateforme choisie est e-prints, mais d’autre systèmes sont en cours d’évaluation.
Un gros travail a été lancé sur la question des versions successives des documents ; en effet, un pre-print dans l’AO peut avoir été modifié à la demande de l’éditeur, et la version de l’AO n’est alors pas identique à la version publiée. Tout le problème réside dans l’identification des versions, et dans le suivi de la vie du document. La LSE a proposé un projet sur cette question du versionnage au JISC, auquel participent les membres de Nereus, un consortium européen qui a pour objectif de mettre en place une bibliothèque en ligne pour les économistes
Economists Online
Il s’agit de l’AO de Nereus. Elle contient une sélection d’articles d’économie effectuée dans les AO de tous les membres du consortium (3000 à ce jour). Nereus prévoit de demander à l’UE un financement dans le cadre du projet e-content pour arriver à 50 000 articles en texte intégral. Les avantages de l’exploitation de cette archive mutualisée sont les possibilités de partage d’expériences et de compétences techniques, ainsi que la transmission des savoirs entre les membres fondateurs et les nouveaux arrivants.
L’AO est difficile à alimenter (510 articles en 2 ans à la LSE), mais les usages sont impressionnants : + de 52 000 connexions.
En matière d’acquisition de documentation électronique, la BnF fait des efforts : elle y consacre 1 million d’euros par an, soit 10% du budget d’acquisition global. Les sélections sont réparties sur plusieurs correspondants, les commandes sont centralisées. Elle fournit à ses utilisateurs :
– 250 bases de données
– 18 000 périodiques électroniques dont 2 000 abonnements hors bouquets (interface AtoZ)
– auxquels s’ajoutent les exemplaires du dépôt légal des documents électroniques (30 000 supports) et l’offre numérisée de la BnF (Gallica etc)
La BnF propose 300 postes de consultation en libre accès ; les usages sont cependant mal connus, les outils actuels ne sont pas suffisamment précis (on ne peut pas distinguer le rez-de-jardin du haut de jardin par exemple). Globalement ce sont plutôt les bases de données qui sont utilisées (les périodiques utilisés concernent essentiellement la presse). Si l’on compare le nombre d’heures de connexion et le nombre de lecteurs, on arrive à un ratio de moins d’une heure de connexion par lecteur par an. Dans certains domaines, comme les SHS ou les généralités, la demande est supérieure à l’offre, par contre l’offre est clairement sous-utilisée dans les domaines scientifiques.
Les évolutions prévues :
– Méthodes d’acquisition : on constate une certaine insularité de la BnF (trop scientifique pour CAREL, trop grand public pour Couperin) ; cependant des collaborations ponctuelles ont été assez fructueuses (négociation avec Couperin pour la base ECCO) et pourraient se renouveler.
– Méthodes de gestion : pay per view pour certains produits scientifiques (Chemical Abstracts par exemple)
– Politique documentaire : l’acquisition perpétuelle de fonds courants et rétrospectifs intéresse beaucoup la BnF. Une négociation des archives d’Elsevier est en cours.
– Usages : Forte demande des utilisateurs pour des accès wifi, usages nomades à l’étude.
Questionnements :
Sur les budgets : 5 à 10% d’augmentation des dépenses par an
Sur le dépôt légal du web : une fois que le décret sera sorti, il sera possible d’économiser sur ce qui arrivera par ce biais, tout en sachant que ce seront des économies limitées puisque ne touchant que la production française. Par ailleurs des problèmes techniques de capture des données et des outils se posent, ainsi que les questions de copyright : les documents issus du DL devront-ils être proposés en consultation à la demande, ou bien en libre accès sur les 150 postes du niveau recherche ? Des discussions sont en cours avec les éditeurs.
Sur l’accès à distance : a-t-il un intérêt si l’offre est uniforme dans les établissements notamment universitaires ? Ne vaudrait-il pas mieux mettre en place un accord global pour que l’accès soit ouvert dans toutes les universités ?
Sur l’archivage pérenne : il nécessite une capacité mémoire gigantesque rien que pour l’archivage du web. D’autre part des collectivités locales envisagent de faire prendre en charge leur archivage par la BnF, est-ce son rôle ?
Sur la politique des pouvoirs publics en la matière : il semble n’y avoir aucune vraie politique de conservation ni d’acquisition. Une politique globale permettrait de répartir les rôles entre les différents acteurs publics.
Sur cette dernière phrase on ne peut qu’être d’accord ; d’ailleurs justement, quel est l’intérêt de négocier les archives d’Elsevier qui servent majoritairement aux scientifiques alors que, d’une part, les ressources électroniques en sciences de la BnF sont sous-utilisées, et que d’autre part, les chercheurs y ont déjà accès via leur université ou leur organisme de recherche ?