« Toutes ces courbettes et toute cette diplomatie, ça a l’air horrible »
« Je ne suis pas devenu bibliothécaire pour passer mes journées sur excel »
« Je ne voudrais jamais faire de management »
« Je ne pourrai jamais faire ce que tu fais »
« Je ne voudrais jamais d’un travail tel que le tien »
« N’oublie pas d’où tu viens »
« Tu es sûre de vouloir ce boulot ? »
« Est-ce qu’au moins tu aimes le boulot que tu fais ? »
Nous avons un problème d’attitude dans la profession. Regardez les commentaires ci-dessus. Je les ai tous entendus au moins une fois au cours des 6 dernières semaines. […] Ils proviennent presque tous de professionnels de bibliothèques qui grimacent dès que l’on parle de management. Alors voici mes réponses à ça :
« Toutes ces courbettes et toute cette diplomatie, ça a l’air horrible » : En fait, ça a surtout l’air d’être ce qu’il faut faire pour être sûr d’avoir le soutien nécessaire pour pouvoir fonctionner. Chaque fois que je souris ou que je serre la main d’un administrateur, que j’aide à résoudre un problème pour un autre service, ou que je donne une information pour quelqu’un en dehors de la bibliothèque, je montre notre bonne volonté dans les relations [avec nos partenaires]. Et un jour vous aurez besoin de moi pour [leur] rappeler cette bonne volonté, et faire en sorte qu’un projet de la bibliothèque avance. Alors ce n’est pas horrible. C’est nécessaire. Et puis, être gentille et serviable ? C’est gratifiant pour le genre de personne que je veux être.
« Je ne suis pas devenu bibliothécaire pour passer mes journées sur excel » : Vous savez quoi ? Moi si. J’aime les données. J’adore l’information. J’aime la manipuler et l’étudier et lui faire dire ce que je dois savoir. Excel et moi, on est potes. Et s’il n’y avait personne pour passer des jours entiers à naviguer dans Excel, vous n’auriez pas une bonne analyse, juste et précise, de l’information disponible dans votre bibliothèque. Alors ne dénigrez pas cela : j’aime ça, et tant mieux pour vous si j’aime ça, et le fait que ça me plaît ne me rend pas moins bibliothécaire que vous pour autant.
« Je ne voudrais jamais faire de management » : Et bien moi oui. Et j’en fais. Et vous avez de la chance que quelqu’un en fasse, parce que ce bateau ne navigue pas tout seul. Besoin de quelqu’un pour trancher quand 2 collègues ne sont pas d’accord ? C’est du management. Besoin de quelqu’un pour répartir les financements équitablement ? C’est du management. Besoin de quelqu’un pour défendre la bibliothèque ? Management. Besoin de quelqu’un pour décider des recrutements ? Management. Il faut bien que quelqu’un le fasse.
« Je ne pourrai jamais faire ce que tu fais » : Dans la plupart des cas, bien sûr, vous pourriez. C’est juste que vous ne voulez pas.
« Je ne voudrais jamais d’un travail tel que le tien » : Bon là c’est sans doute vrai. Mais avez-vous besoin de le dire sur ce ton ? Parce que, comme je l’ai dit, j’ai voulu ce poste, alors en parler de façon si méprisante, c’est vraiment vexant, voyez-vous ?
« N’oublie pas d’où tu viens » : <les bras m’en tombent> Pensez-vous que j’aie si peu de personnalité que, quand j’enfile mon Grand Manteau De Manager (Pas Si) Bien Payé, je puisse oublier que je suis bibliothécaire ? Ou que je n’aie plus de patron, ni de comptes à rendre à personne, ou que je me fiche des conséquences de mes actions ? […]
« Tu es sûre de vouloir ce boulot ? » : … Oui ? J’ai mis beaucoup de temps et d’investissement pour la candidature, j’ai travaillé dur pour assurer au téléphone et lors des 2 jours d’entretiens, j’ai négocié mon salaire, et après tout ça, je n’aurais pas signé le contrat si je n’avais pas voulu ce poste. Vraiment. Je savais ce qui m’attendait, et j’y ai pensé longuement. Je veux réussir, et je n’aurai pas pris ce job si je ne pensais pas que je pouvais y arriver – et surement pas si je n’avais pas voulu y arriver.
« Est-ce qu’au moins tu aimes le boulot que tu fais ? » : Oui, oui et encore oui.
J’aime savoir que toutes mes actions au quotidien vont en soutien au travail des bibliothèques. J’aime savoir que mes décisions comptent. J’aime savoir que j’aide les gens. J’aime savoir que mon temps est utile, et passé à des tâches utiles. J’aime organiser. J’aime planifier. J’aime développer des stratégies et voir ce qu’elles donnent. J’aime me faire des amis et cultiver mes relations. J’aime penser à des problèmes complexes. J’aime interagir avec des personnes ayant des compétences et des intérêts très différents des miens.
Je dois faire toutes ces choses en tant que Directrice des bibliothèques. Alors oui, j’aime mon boulot. J’en suis ravie.
Et je suis vraiment désolée que tant de gens aient eu de mauvais managers, des patrons mesquins, des gestionnaires inconscients, mais il faut vraiment dépasser ça. Nous avons, en tant que profession, un mauvais état d’esprit en ce qui concerne le management, or nous avons besoin de managers. Votre chef va partir à la retraite – qui va prendre ce rôle ? Il vaudrait mieux pour vous que ce ne soit pas une de ces personnes qui ont passé leur carrière à rabaisser les managers… Et si c’est une personne qui a été constamment dénigrée parce qu’elle voulait avoir une fonction de management, je parierai ma paire de Fluevog que vous serez soulagés quand vous réaliserez qu’elle vaut mieux que ce que vous auriez pensé. »
An attitude problem, par Jenica Rogers-Urbanek, moins de 30 ans, Directrice des bibliothèques de la State University of New York at Potsdam depuis le 1er juillet 2009, sur son blog Attempting elegance.
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