Archive pour mars 2011

Clauses de confidentialité

« Il arrive que, dans certaines des licences régissant l’utilisation des ressources électroniques, des éditeurs exigent que les Bibliothèques de l’Université de Cornell considèrent les informations tarifaires comme des informations confidentielles et ne les divulguent pas à des tiers. Certaines bibliothèques ont toléré ces clauses par le passé, convaincues qu’elles pourraient ainsi obtenir un tarif plus avantageux. Les bibliothèques ne peuvent cependant plus accepter cette situation.
La communauté des bibliothèques a réalisé que le comportement anti-concurrentiel de certaines maisons d’édition résulte en partie de l’inclusion d’accords de confidentialité dans les licences. Comme le faisait récemment remarquer Robert Darnton, « en gardant les termes de sa licence confidentiels, … une bibliothèque ne peut pas négocier des tarifs à la baisse sur l’argument qu’une autre bibliothèque a obtenu un tarif plus avantageux. »
C’est pour cette raison que la « Recommandation pour la sélection et l’acquisition d’informations électroniques » de l’ICOLC établit que « aucun accord de licence ne doit exiger de clauses de confidentialité, en particulier des clauses qui empêcheraient les consortia de bibliothèque de partager entre eux des informations sur les tarifs ou sur les conditions négociées. » Plus les bibliothèques peuvent communiquer entre elles au sujet des offres commerciales, mieux elles sont préparées pour peser [dans les négociations] sur les coûts et les conditions qui leurs sont proposés individuellement. Un marché ouvert permettra d’aboutir à de meilleures conditions dans les licences.

Les accords de confidentialité sont par ailleurs en contradiction avec les exigences d’ouverture, de transparence et de travail collaboratif des bibliothécaires et des personnels des Bibliothèques universitaires de Cornell. Cette contradiction augmente la probabilité de violation involontaire d’éventuelles clauses de confidentialité, et fait du coup courir un risque à l’université.
Les Bibliothèques universitaires de Cornell approuvent donc la position de l’Association of Research Libraries, qui recommande à ses membres de ne pas signer de licences (ni d’accepter de nouvelles licences ou des licences révisées) qui incluent des clauses de confidentialité ou de non- divulgation. Les bibliothèques acceptent de partager, sur demande, les informations contenues dans leurs licences (à l’exception des savoir-faire et des détails techniques spécifiques).
Pour la plupart des éditeurs, les clauses de confidentialité ne sont pas nécessaires. Parmi les nombreux éditeurs et agrégateurs de revues et d’e-books dont les contrats actuels avec Cornell ne comportent pas de clause de confidentialité, on peut citer : American Institute of Physics (AIP), American Physical Society (APS), ASTM International, American Society for Microbiology (ASM), American Chemical Society (ACS), Bloomberg, Cambridge University Press, EBSCO, Elsevier, IEEE, Institute of Physics (IOP), Knovel, Oxford University Press, Proquest, Sage, SPIE, Taylor & Francis, et Wiley. »

Cornell University Library’s Position on Nondisclosure Clauses in Licenses
[photo : SamikRC]

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CR : Publications scientifiques et financement européen

J’ai assisté cette semaine à la matinée d’étude « Publications scientifiques et financement européen » organisée par Couperin pour présenter les initiatives de la Commission Européenne sur le sujet, et plus particulièrement le projet OpenAIRE.
La manifestation était de qualité, j’en retiens plus particulièrement 2 temps :
Keynote : Reconstruire la République des sciences par le libre accès : responsabilités et évaluation des chercheurs – Jean-Claude Guédon
Pour JCG, la Science est une « grande conversation ». Les associations savantes, les éditeurs, les bibliothécaires soutiennent cette « grande conversation », en diffusant l’information scientifique. Il fait les constats suivants sur la diffusion en libre accès :
– L’Open Access a rencontré beaucoup de succès depuis sa naissance en 2001-2002 : il existe de + en + d’archives institutionnelles, et plus de 5000 revues en OA sont recensées par le DOAJ. Un mouvement qui prend de l’ampleur, mais qui hésite sur la suite.
– Une faiblesse : le déséquilibre qui demeure entre le rôle des bibliothécaires (très positif, mais qui manque de légitimité) et la logique des chercheurs (relativement indifférents aux nouveaux usages mis en avant par les bibliothécaires)
– Malgré ces progrès, l’intérêt des chercheurs demeure pour les revues prestigieuses, et pas pour les revues en OA de visibilité moyenne (PLoS, Biomed Central), en raison de leur utilisation comme élément d’évaluation de la carrière des chercheurs.
Comment faire avancer les choses ? Vraisemblablement en faisant évoluer les métriques utilisées pour l’évaluation des chercheurs.
Si on prend le cas du facteur d’impact – de plus en plus détourné de son usage initial (l’évaluation des revues) pour évaluer les chercheurs – on voit que, à l’instar des pratiques utilisées en athlétisme pour la course de sprint, où les temps sont désormais calculés au centième de seconde, le facteur d’impact a lui aussi 3 décimales : on a augmenté artificiellement sa valeur pour créer de la compétition, du spectacle. Du coup, comme en athlétisme, on voit émerger des « champions » de la recherche, et du « dopage » : certains n’hésitent pas à adapter leur production scientifique à la métrique (voir des exemples d’articles retirés et autres malversations intellectuelles sur le site Badscience), qui agit comme une « stéroïde intellectuelle ». L’évaluation de la qualité générale de la science doit pouvoir se faire en dehors des « champions de la métrique » : de nouvelles formes d’évaluation peuvent s’élaborer avec l’Open Access ; on peut imaginer par exemple de mesurer un facteur d’éducation, un facteur social… Cela permettrait de reconstruire le jeu de la concurrence scientifique de façon plus saine, d’articuler la quête de l’excellence à la quête de la qualité. Plusieurs pays se sont démarqués de cet indicateur et ont bâti leurs propres métriques, notamment en Amérique Latine avec SCIELO.

Table-ronde – Rendre les travaux librement accessibles : quel intérêt pour un chercheur ?
Il a été demandé aux 4 intervenants – des « power users » de Hal, issus de différents organismes de recherche, qui déposent beaucoup – comment ils percevaient leur plateforme :
– Importance de Hal pour repérer la littérature grise : le fait que Hal héberge d’autres types de documents que les articles (thèses, rapports…) est très apprécié : il permet de mettre en valeur facilement toutes les publications sur un projet, ainsi que de collaborer sur des documents non publiables (cas d’un document de travail alimenté en commun dans le cadre d’un projet européen)
– Intérêt principal pour le chercheur : avoir la liste complète de ses publications à un seul endroit, et pouvoir l’utiliser pour alimenter une page perso, ou la page de son laboratoire.
– Hal est un moyen de mettre sa production à disposition du public (qui n’a pas forcément accès aux revues en ligne dans lesquelles la recherche est publiée), mais pas un système de validation (ce rôle reste celui de la revue). C’est un auxiliaire utile, mais pas un outil de travail principal.
– Forte utilisation de Google ou Google Scholar comme point d’entrée dans une recherche, les chercheurs se tournent vers les bases de données spécialisées à partir du moment où ils veulent citer des articles. Hal n’est pas utilisé comme moteur de recherche.
– Le fait que les dépôts dans Hal soient assez rapidement indexés par Google Scholar est un vrai plus pour se faire connaître et de se faire citer.
– Hal est devenu petit à petit un outil partagé par les chercheurs, un point commun entre différentes institutions, toutes disciplines confondues.
– En ce qui concerne les améliorations souhaitées : plus d’automatisation pour repérer les travaux publiés dans les bases des éditeurs et demander aux auteurs de déposer, une compatibilité avec d’autres outils que Pubmed et ArXiv ; Endnote est cité.
[photos : Vestman, Waltarrrr]

La feinte d’HarperCollins

« Si nous envisageons cela [la loi de Pareto, connue aussi sous le nom de loi des 80/20] dans le contexte des modèles de prêt des e-books, nous voyons qu’HarperCollins a bien réussi son coup. En concentrant notre attention sur les livres qui sont beaucoup empruntés, […], HarperCollins nous a amené à négliger les 80% de livres qui ne circulent pas ou peu. Pourtant les bibliothèques payent le plein tarif pour ces livres-là aussi, et il est clair que les éditeurs se font infiniment plus d’argent sur les livres qui ne circulent pas dans les bibliothèques que sur ceux qui ne se vendent pas en librairie !
Tout bien considéré, un des impacts économiques des bibliothèques, en plus de ceux dont j’ai déjà discuté, est de transférer du pouvoir d’achat des best-sellers vers des livres moins populaires. On peut même faire valoir que les bibliothèques soutiennent une culture large, qui disparaîtrait sans ce soutien. Et devinez qui publie ces best-sellers ? Les 6 plus gros éditeurs, bien sûr. Il payent de grosses avances aux auteurs, d’énormes frais de publicité auprès des librairies, font passer leurs auteurs dans les talk shows et obtiennent des critiques de leurs bouquins dans le Times. Cela demande beaucoup d’argent, mais la dépense est largement compensée dans une économie basée sur quelques titres vitaux ou sur des « cartons » de librairie.
Alors voilà l’astuce : en focalisant le débat sur des mécanismes de revenus générés par la popularité, HarperCollins mise sur les gros succès de librairie et affaiblit la longue traîne. Cela peut affecter négativement les bibliothèques, mais celles-ci sont des dommages collatéraux. C’est bien la longue traîne qu’HarperCollins essaye de détruire. »

Extrait de The Pareto principle and the true cunning of HarperCollins, par Eric Hellman, qui propose des analyses toujours fort pertinentes des problématiques économiques autour du livre et des bibliothèques.
[photo : linkwize]

Persée menacé

Où trouve-t-on toutes les publications de l’école française de Rome ? L’Annuaire français de droit international, revue de chevet des internationalistes ? 60 ans de la Revue économique ? Les Annales depuis 1929 ?
Sur Persée bien sûr !
Cette base d’archives de publications en sciences humaines sociales, en libre accès, utilisée au quotidien par des milliers d’étudiants, d’enseignants-chercheurs et d’internautes de tous horizons voit son avenir proche s’assombrir. Quel dommage.


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