Formation permanente

440559743_c4c824cbd6_m.jpgPourquoi l’apprentissage des technologies émergentes fait partie du travail de tous les bibliothécaires, c’est le titre de l’intervention donnée par Kathryn Greenhill, bibliothécaire à l’Université de Murdoch, début mai à la conférence Educause Australasia 2009.

D’abord, elle rapporte les objections avancées par les collègues pour ne pas se former :
⁃ Je n’ai pas le temps
⁃ J’ai trop de travail pour jouer
⁃ Je ne comprend pas comment utiliser de nouvelles technologies dans mon travail actuellement
⁃ Je préfère juste lire des articles sur les nouvelles technologies
⁃ Il n’y a pas d’étude validée par les pairs sur la pertinence de ces nouvelles technologies
⁃ Je veux qu’on me dise quels outils sont pertinents et n’apprendre à me servir que de ceux-ci.

Ensuite, elle liste 21 raisons pour appuyer son propos, et propose des pistes pour trouver le temps de s’y mettre – pour moi ce n’est pas une question de temps ; du reste, le succès des formation en ligne que Kathryn évoque en préambule (Steven Bell en a dressé une liste conséquente) montre qu’on peut apprendre avec un investissement en temps minime : tout le monde peut dégager 1/4 d’heure par jour, ou 1 heure par semaine pour s’auto-former aux nouveaux outils et usages du web.

Voici ses 21 raisons (c’est moi qui souligne) :
a) Pour améliorer le coeur de métier : Notre mission de base est la mise en relation de gens et d’informations. De nouvelles façons de le faire, plus efficaces, existent, et nous devons les connaître.
b) Pour augmenter notre productivité : L’ensemble des tâches qui nous sont confiées peuvent être facilitées au moyen des technologies émergentes, encore faut-il savoir s’en servir.
c) Accéder à une perspective internationale : Notre réseau professionnel ne doit pas se restreindre à notre propre pays ; les nouveaux outils facilitent la formation de « communautés d’intérêt ».
d) Connaître les réalisations d’autres bibliothèques : Les revues imprimées et les conférences ne sont plus le meilleur moyen de se renseigner sur les succès ou les échecs des autres bibliothèques. Avec les blogs, les wikis, les podcasts – tous interrogeables dans votre agrégateur par une recherche sujet, vous pouvez faire de la veille et débattre de ces sujets avec vos collègues.
e) Comprendre l’information sous tous ses formats : Les utilisateurs vont nous questionner sur ces sources d’information. Est-ce que c’est bien les servir que de leur répondre « désolée je ne connais que certains formats d’information » ?
f) Veiller : Les outils évoluent et changent constamment. Ce qui démarre comme une distraction apparemment inutile peut devenir une source d’information potentielle une fois qu’elle a atteint une masse critique ou bien que les gens lui trouvent un nouvel usage (twitter par exemple). Nous devons être attentifs à ça et comprendre ce qui se passe.
g) Réorienter nos savoir-faire traditionnels : Tagguer, les métadonnées, le data-mining, l’indexation – ces nouvelles technologies ont besoin de nos compétences.
h) Comprendre les enjeux technologiques lors des négociations commerciales : Si nous ne savons pas ce qu’il est possible de faire, gratuitement, en utilisant de nouveaux outils, alors les sociétés commerciales spécialisées dans les bibliothèques pourront continuer à nous vendre des « solutions » propriétaires et chères.
i) Etre prêt quand un nouvel outil devient grand public : Ce que quelques initiés utilisent maintenant, le grand public s’en servira dans 18 mois. Si nous nous familiarisons avec ces outils dans leur phase de démarrage, nous saurons mieux comment les utiliser lorsque les usagers s’attendront à ce que nous les ayons incorporés à nos services.
j) Comprendre la redéfinition de notre coeur de métier : Certaines notions de base en vigueur dans les bibliothèques sont en train d’être redéfinies – le droit d’auteur, le plagiat, la recherche scientifique, l’autorité, la vie privée, les loisirs. Nous devons participer aux débats là où ils ont lieu.
k) Gérer nos personnels « technophiles » : Nous avons besoin de personnels jeunes, technologiquement à l’aise, passionnés et intelligents pour appréhender tous ces changements, et nous devons en savoir suffisamment pour pouvoir gérer ces personnels et utiliser au mieux leurs nouvelles compétences.
l) Personne ne connaît mieux nos utilisateurs que nous : Un grand nombre des nouveaux outils du web est très simple à utiliser et à apprendre. Il est par contre difficile de connaître nos utilisateurs – leurs besoins, leurs préférences, leurs capacités. Qui mieux que nous est capable d’évaluer l’utilité de ces nouveaux outils pour nos usagers ? Cela implique de connaître les outils et de savoir s’en servir.
m) S’amuser : Si l’on permet aux personnels de s’amuser et d’être créatifs dans le cadre de leur apprentissage, cela peut améliorer le moral sur le lieu de travail.
n) Fournir un meilleur service à nos usagers : Si nous avons la connaissance de ces nouveaux outils, nous pouvons offrir un meilleur service à nos usagers, là où ils sont, et en utilisant leurs outils favoris (par exemple en signalant par SMS la disponibilité de références sur leurs téléphones mobiles).
o) Pouvoir dire aux services informatiques ce que nous voulons : Si nous nous sentons dépassés par des technologies web qui ne sont pour l’instant disponibles qu’en version bêta, imaginez ce que cela serait si nous avions à installer des logiciels, à protéger un réseau ou à normaliser un environnement de travail informatique. Si nous avons notre propre département informatique centralisé, alors nous devons en savoir un peu plus sur les outils que nous voulons utiliser (par exemple un logiciel pour un blog interne).
p) Nos utilisateurs professionnels doivent se tenir au courant : Dans les bibliothèques universitaires et les bibliothèques spécialisées, nos institutions exigent de nos usagers qu’ils soient à la pointe de la technologie dans leurs disciplines. Nous devons nous aussi être à la pointe pour pouvoir les aider.
q) De nombreuses interfaces sont devenues de pseudo-standards : Les outils que nous utiliserons désormais ne seront pas de vieux standards comme AACR2
(UNIMARC) ou LCSH (Rameau). Les meilleurs outils de travail évoluent et changent avec les besoins de nos utilisateurs. Nous devons acquérir une flexibilité et des compétences globales pour nous adapter à cela.
La même fonction est souvent reproduite de la même façon sur plusieurs sites. Pour comprendre les nouveaux outils web, nous devons savoir faire des choses simples comme s’enregistrer sur un réseau social, comprendre comment fonctionne le système des commentaires sur les blogs, comment évaluer des logiciels en open source, et comment bidouiller les modèles et les produits pour les adapter à nos bibliothèques.
r) On ne peut pas prédire l’avenir – l’expérimentation est une assurance : Sans boule de cristal, nous ne pouvons pas savoir avec certitude ce qui sera largement utilisé. Nous devons essayer et évaluer de nombreux services pour trouver ce qui marchera pour nos utilisateurs.
s) Les foules sont changeantes
Des outils bien établis, avec une masse critique d’utilisateurs, sont parfois préférés au détriment d’outils de bonne qualité avec des interfaces simples… et la masse critique peut changer d’avis. C’est ce qui s’est passé lorsque les utilisateurs ont migré en grand nombre de l’agrégateur Bloglines vers Google Reader. La startup anodine d’aujourd’hui peut devenir l’entreprise qui marche de demain.
t) Mieux collaborer : Les bibliothèques ont une culture du partage des ressources et des idées. Les technologies émergentes améliorent ça.
u) Expérimenter augmente les compétences : A la première sortie de Windows, le système était livré avec un jeu de solitaire. Il fallait que les gens apprennent à se servir de la souris, en l’utilisant de façon répétitive pendant plusieurs heures : la pratique du solitaire s’est avérée le moyen le plus rapide et le plus efficace pour éduquer les salariés. Certains sites apparemment inutiles nous apprennent de nouvelles interfaces.

Et elle conclut : « Les technologies émergentes changent le rapport des gens à l’information. Les bibliothécaires doivent comprendre leur fonctionnement pour pouvoir les utiliser et mieux servir leurs usagers. Les outils en ligne changent plus rapidement que ce que les programmes de formation traditionnels peuvent suivre. Il est essentiel que les bibliothécaires deviennent des apprentis permanents et se forment constamment à ces nouveaux outils.« 

[photo : fascinating_girl]

4 Réponses to “Formation permanente”


  1. 1 Marc13 26/06/2009 à 00:00

    L’évolution est souvent plus facile au niveau extra-professionnel qu’au niveau professionnel. Certainement parce que revenir sur ses méthodes de travail, c’est un peu remettre en question son degré d’expertise. Quand on a 10 années d’expérience, c’est dur de se sentir moins efficace qu’une personne qui sort de l’école…

  2. 2 GeemikIsa 21/06/2009 à 00:00

    Les Geemiks d’ESC Lille sont elles aussi engagées dans cette bataille depuis 18 mois, un premier site intégrant de nouvelles fonctionnalités; un puis des blogs, un meebo, un facebook pour la biblothèque…le chemin des usages voilà notre combat car nous devons partager avec nos usagers ces nouvelles manières d’apprendre, de se former dans une perspective de construction d’un écosystème informationnel personnel. Nous ne sommes que 6 dans notre équipe, nous avançons doucement. En chantier : un centre conçu pour refléter ses nouvelles façons d’apprendre et de travailler , la RFID , mise en place de Koha pour nous permettre de réaliser nos activités de Geemiks.

    Lorsque je constate les nombreuses réalisations depuis deux ans, je suis optimiste. Bonne continuation !

  3. 3 claire 20/06/2009 à 00:00

    Une fois, deux fois, mille fois raison. Malheureusement, ceux à qui s’adressent ce texte ne le liront pas car ils ne sont pas sur le web. Pour les opposants : « les outils du web 2 n’ont pas été inventé pour un usage bibliothèque… donc inutiles ».

    Depuis 2 ans, j’ai donné quelques formations sur les outils du web 2 et très peu franchisse le pas, malgré qu’un exercice de création d’un blogue soit fait durant la formation.

    On me perçoit comme l’avant-garde, mais aussi comme un objectif impossible à atteindre. C’est tellement loin de leur quotidien. L’utilisation du web 2 devrait être une partie intégrante du travail, mais c’est perçu comme une activité secondaire, sans lien avec le « vrai » travail.

    C’est ce que je vis dans mon propre milieu. On trouve ça l’fun que la bibliothèque ait un blogue, mais on ne veut pas participer : je n’ai pas le temps, ce n’est pas dans ma tâche etc. Alors, tranquillement, j’ai informé les gestionnaires, montré les avancées et les possibilités du web 2. D’ici un an, les techniciens auront dans leurs tâches de participer aux outils du web 2.

    Mais comme pour beaucoup de chose, certains le feront avec créativité et d’autres le feront selon le protocole sans valeur ajoutée. Ce sera la limite des outils du web 2. On ne peut pas être tous des défricheurs ou des créateurs… il y en a toujours qui ne veulent pas se casser la tête et feront ce qui est écrit sans se poser de questions.

    Il y a 4 ans, j’étais la seule à m’intéresser aux technologies, depuis j’ai engagé 3 nouveaux qui, sans être des mordus, ont un intérêt et participent à l’élaboration de projet avec des outils du web 2 : site web avec Joomla! (à venir), open source (Koha – en réflexion avec TIC) le blogue, les fils RSS, Twitter. C’est un travail de long haleine. Vive la gestion du changement.

  4. 4 Memoiresilence 20/06/2009 à 00:00

    Merci pour ce billet qui tombe à pic !

    J’étais en train d’écrire un truc similaire…

    Les chinois, dans leur grande sagesse, disent que le temps n’existe pas…

    Sous couvert de n’avoir pas le temps, certains collègues (pas tous heureusement) endossent des lunettes de myopes alors qu’ils pourraient être hypermétropes !

    Quant on s’amuse (un peu cyniquement, j’avoue) à confronter leur discours de professionnel un peu réac avec leur vraie pratique personnelle, on se rend compte qu’ils utilisent plein d’outils web 2.0, créant des blogs voire de compliqués myspace avec du code html, utilisant igoogle et du RSS, faisant de la recommandation sur ebay ou Amazon alors qu’ils sont contre, toujours contre… dès que l’on dit que l’on veut faire la même chose sur l’OPAQUE de la Médiathèque…

    Etonnant, non ?


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